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    Giuseppe Ungaretti (1888-1970)

     

    Secret du poète (Segreto del poeta,1950)

    Je n’ai pour amie que la nuit.
    Avec elle, toujours je pourrai parcourir
    De moment en moment des heures, non pas vides,
    Mais un temps que je mesure avec mon cœur
    Comme il me plaît, sans jamais m’en distraire.

    Ainsi, lorsque je sens,
    Encore s’arrachant à l’ombre,
    L’espérance immuable
    À nouveau débusquer en moi le feu
    Et le rendre en silence
    À tes gestes de terre
    Aimés au point de paraître, lumière,
    Immortels.

    Giuseppe Ungaretti  (La Terre promise (La Terra Promessa, 1950) – Traduction de Philippe Jaccottet

     

    "On ne peut pas faire de poésie si elle n'a pas en elle-même, la poésie, le sentiment de la poésie qui est le sentiment de l'illimité, le sentiment de l'infini, le sentiment de quelque chose qui dépasse l'homme en le posant dans un secret qui n'arrive pas à se dévoiler, qui n'est pas d'ordre temporel..." 

     

    Ces paroles de Giuseppe Ungaretti ont été recueillies dans l'interview n°2 (document de l'INA, Archives du XXe S.) Dans cette video, Ungaretti évoque sa vie à Paris après la première guerre mondiale, Il nous parle de Modigliani et Soutine, il évoque Paulhan, Mussolini. Il évoque le baroque à Rome et la juxtaposition des styles architecturaux... Il parle des grands poètes dont il se sent proche, il parle des circonstances de son livre "La Douleur" (mort de son enfant de neuf ans, de la guerre). C'est un très passionnant document que l'on peut visionner ici : 

      

     

      

     Dans la video ci-dessous l'écrivain, journaliste et traducteur Jean Lescure présente le poète et situe son oeuvre en France où elle reste peu connue. Lescure définit Ungaretti comme "un mâcheur de mots". Ungaretti lit un de ses poèmes en italien, puis évoque en français ses souvenirs, ses débuts en poésie alors qu'il était écolier, la découverte du baroque et de Michel-Ange, ses origines familiales toscanes et lucquoises, son enfance à Alexandrie après l'installation de sa famille en Egypte au moment de la construction du Canal de Suez, les rencontres et les influences marquantes : Enrico PEA, Stéphane MALLARMé, Charles PEGUY, Henry BERGSON, Guillaume APOLLINAIRE, Filipo Tomasso MARINETTI, Gabriele d'ANUNZIO. Giuseppe Ungaretti raconte des anecdotes concernant tous ces personnages qu'il a côtoyés, ses témoignages sont émaillés de nombreuses photos. Un document magnifique et très émouvant.

     

    Pourquoi avez-vous fait vos études à La Sorbonne ? "Parce que la France était la Mecque des croyants en poésie !"

     

     

     

    Dans la Note qui accompagne l'édition "I Meridiani" le paragraphe introductif des poèmes "Il Dolore" dit simplement : 

    "On m'a fait observé que, ayant perdu un enfant qui avait neuf ans, j'ai appris de la manière la plus brutale que la mort est la mort.Ce fut la chose la plus terrible de ma vie. Je sais ce que la mort signifie, je le savais déjà avant, mais depuis que m'a été arrachée la meilleure partie de moi, la mort, c'est en moi que je l'expérimente. Il Dolore est le livre que j'aime le plus, le livre que j'ai écrit dans les années horribles, la gorge nouée. Si j'en parlais, il me semblerait être impudique. Cette douleur ne cessera jamais de me déchirer." (Giuseppe Ungaretti)

     

    Soldati (1918)                     Soldats

    Si sta come                         Nous sommes comme

    d'autunno                             en automne

    sugli alberi                           sur les arbres

    le foglie                               les feuilles 

     

    Giuseppe Ungaretti (1888-1970)

    Veillée

    Une nuit entière

    jeté auprès d'un compagnon

    massacré

    avec la bouche toutes dents dehors

    tournée vers la pleine lune

    avec la congestion

    de ses mains

    introduite

    dans mon silence

    j'ai écrit

    des lettres pleines d'amour

     

    Je n'ai jamais été

    autant

    attaché à la vie.

     

    (J'ai passé une semaine merveilleuse à préparer ce billet un peu long, Giuseppe Ungaretti que je ne connaissais pas auparavant a embelli ma fin d'année par sa très forte présence, sa sensibilité, sa poésie, son érudition, son expression verbale si riche et si particulière... Ecoutez-le, relisez-le ou découvrez-le...Je vous souhaite à tous une très bonne année 2015 !)  

     

     

     Lire aussi  Ungaretti ou la Fulgurance à l'envers 

    et Ungaretti entre ténèbres et lumière


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    Chagall

     

           (copie EVB)


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  • Alda Merini

     

    Les plus beaux poèmes 

    s'écrivent sur les pierres

    genoux écorchés,

    esprit aiguisé par le mystère.

    Les plus beaux poèmes s'écrivent

    devant un autel vide,

    encerclé par des agents 

    de la divine folie.

    Ainsi fou, criminel que tu es

    tu dictes des vers à l'humanité,

    vers de la rescousse 

    et prophéties bibliques.

     

     

    Alda Merini

     

    L'art de la folie.

     

    La folie est un artisanat,

    un puzzle, une ruse du cerveau.

    Je crois que le fou

    est un grand fourbe,

    ou seulement un opportuniste.

    La folie est une translation

    où l'on porte la réalité

    pour la rendre incandescente.

    La folie est un état d'excitation

    et souvent de bien-être.

     

    Alda Merini (1931-2009)

     

    J'ai aimé tendrement de très doux amants

    sans que jamais ils n'en sachent rien.

    Et sur eux j'ai tissé des toiles d'araignée

    et je fus la proie de ma propre matière.

    Il y avait en moi l'âme de la catin

    de la sainte, de la sanguinaire et de l'hypocrite.

    Beaucoup ont donné un nom à ma façon de vivre

    et je fus seulement une hystérique.

     

     

    Alda Merini (1931-2009)

     

     "Sono una piccola ape furibonda"

    Je suis une petite abeille furibonde...

    ***

    "La casa della Poesia non avrà mai porte"

    La maison de la Poésie n'aura jamais de porte.

    ****

    Alda Merini est l'une des figures de proue de la poésie contemporaine italienne. Elle a commencé à écrire à 15 ans, encouragée par de très grands : Giorgio Manganelli, Salvatore Quasimodo, Michele Pierri, Pasolini, Spagnoletti, Maria Corti, Montale, Spaziani, Davide Turoldo, Luciano Erba, Raboni... Parmi les récompenses obtenues par Alda Merini on retient : le Prix Librex-Guggenheim "Eugenio Montale" en 1993 remporté précédemment par Caproni, Bertolucci, Luzi, Zanzotto, Fortini. C'est la plus importante consécration italienne concernant les poètes contemporains.   

     

    à lire pour découvrir : http://cei.revues.org/940?lang=en 

    http://www.pandesmuses.fr/article-alda-merini-hommage-a-une-poete-recemment-disparue-116293481.html

    http://lescarnetsdeucharis.hautetfort.com/alda-merini/

     


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    Sur l’Ile de Minos, l’homme  apprivoisa le Taureau pour que la Terre cessât de trembler, il jouait avec lui avec bravoure et respect pour signer le pacte mystérieux avec les forces telluriques. Il dansait avec lui sur le fil du Merveilleux comme un funambule, et sautait par-dessus ses cornes redoutables comme un acrobate dédié à l’au-delà.

     

    Longtemps les joutes furent ordaliques, l’Homme arrachait au péril même de sa vie, son droit à vivre et survivre. Cela même est fascinant, et subsiste aujourd’hui encore : cette revendication affirmée et insistante à se mesurer aux forces mystérieuses de la nature.

     A Ronda (Andalousie), on peut visiter un musée taurin jouxtant les arènes.. Il est impressionnant de voir dans la pénombre des vitrines, d’authentiques habits de lumière ayant appartenu à des toreros dont la taille ne dépassait pas 1,58m. On imagine avec effroi et fascination la danse d’amour et de mort jouée par ces deux-là : le taureau de 500kg et le toréro à peine plus grand qu’un enfant. Ces petits costumes fanés constituent mon souvenir le plus ému et le plus marquant de Ronda. Cachés dans la pénombre de ce musée, ils contrastent avec la splendeur vertigineuse du site de Ronda. 

    eva ©

     

    Dans la video ci-dessous, on peut voir dans les arènes de Saragosse un spectacle de toro sans mise à mort... comme au temps des Crétois...

     


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