• Albert Camus (Le premier homme)

     

    Cimetière de Penne 

     

    "Pourtant ce qu'il avait cherché avidement à savoir à travers les livres et les êtres, il lui semblait maintenant que ce secret avait partie liée avec ce mort, ce père cadet, avec ce qu'il avait été et ce qu'il était devenu et que lui-même avait cherché bien loin ce qui était près de lui dans le temps et dans le sang. A vrai dire, il n'avait pas été aidé. Une famille où l'on parlait peu, où on ne lisait ni n'écrivait, une mère malheureuse et distraite, qui l'aurait renseigné sur ce jeune et pitoyable père ? Personne ne l'avait connu que sa mère qui l'avait oublié. Il en était sûr. Il était mort inconnu sur cette terre où il était passé fugitivement, comme un inconnu. C'était à lui à se renseigner sans doute, à demander. Mais celui qui, comme lui n'a rien, et veut le monde entier, il n'a pas assez de toute son énergie pour s'édifier et conquérir ou comprendre le monde. Après tout, il n'était pas trop tard, il pouvait encore chercher, savoir qui était cet homme qui lui semblait plus proche maintenant qu'aucun être au monde. Il pouvait...

     

    [...] Mais il ne pouvait se détacher de ce nom, de ces dates. Il n'y avait plus sous cette dalle que cendres et poussières. Mais, pour lui, son père était de nouveau vivant, d'une étrange vie taciturne, et il lui semblait qu'il allait le délaisser de nouveau, le laisser poursuivre cette nuit encore l'interminable solitude où on l'avait jeté puis abandonné." 

     

    Albert Camus, Le premier homme (extraits)

    (Folio Edition Gallimard)

     

    (Il s'agit de l'oeuvre à laquelle travaillait Albert Camus au moment de sa mort. Le manuscrit a été trouvé dans sa sacoche, le 4 janvier 1960. Il se composait de 144 pages tracées au fil de la plume, parfois sans points ni virgules, d'une écriture rapide, difficile à déchiffrer, jamais retravaillée. Cette rédaction initiale a un caractère autobiographique qui aurait sûrement disparu dans la version définitive du roman. Mais c'est justement ce côté autobiographique qui est précieux aujourd'hui. Après avoir lu "Le premier homme", on voit apparaître les racines de ce qui fera la personnalité de Camus, sa sensibilité, la genèse de sa pensée, les raisons de son engagement. Pourquoi, toute sa vie, il aura voulu parler au nom de ceux à qui la parole est refusée.)

    -extrait de la 4ème de couverture-

    « Lettre à Ménécée (Epicure 341-270 av JC)Assia Djebar (de l'Académie Française) »

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  • Commentaires

    21
    Mardi 9 Septembre 2014 à 20:22

    J'ai ceci en commun avec Camus (dans ce livre) : la scène du cimetière... Je reste là, devant la tombe de mon père que je n'ai pas connu, à penser qu'il a toujours été plus jeune que moi... C'est une situation très étrange... qui me rapproche de Camus

    20
    Mardi 9 Septembre 2014 à 19:18

     Le premier homme est un de mes livres préférés de Camus, tu sais pour quoi? parce que l'autobiographie de Camus a une infinité de traits en commun avec ma vie, ses racines et sa formation culturelle en Algérie, dans mon cas en Tunisie, je retrouve en lisant "Le premier homme" les émotion de mon enfance et de mon adolescence, ma formation culturelle…

    Et à ce propos, je te conseille si tu ne l'a pas déjà lu, "Le pays de mes racines" de Marie Cardinal, un autre écrivain que j'adore…. 

    Et si tu aimes "les vies" extraordinaires et intenses je te conseille, "Passagère du silence" de Fabienne Verdier, qui est le parcours artistique en Chine,  d'une artiste magnifique (elle même)….

    je m'arrête…. A bientôt Eva.

    19
    Mardi 13 Novembre 2012 à 20:02

    je l'ai découvert récemment (Le Premier Homme)... le dernier livre... Beaucoup d'émotion

    18
    Lundi 12 Novembre 2012 à 15:39
    Un livre que j'aime beaucoup et je vois qu'il touche ici nombre de personnes, sans doute certaines ont elles vécu dans "ces pays là ", plus le père absent. Réminiscences
    Il faut que je m'en retourne, merci de cette promenade en vos belles pages, Eva.
    17
    Lundi 15 Octobre 2012 à 00:57

    oui, un diamant brut... le texte n'est pas retouché, et certains mots illisibles sont restés en pointillés... C'est très émouvant, parfois même bouleversant

    16
    Lundi 15 Octobre 2012 à 00:05
    Magnifique de fraîcheur et de sincérité. La sacoche de 1960 était l'écrin d'un diamant brut.
    15
    Samedi 13 Octobre 2012 à 09:06

    c'est sympa ! oui c'est très difficile à expliquer, comme tu dis ! mais c'est très amusant de le voir faire ! bonne journée Monique :)

    14
    Samedi 13 Octobre 2012 à 09:02
    je viens de regarder la video où Ali nous montre comment ça fonctionne mais ce n'est pas facile à expliquer ! du coup, je n'ai pas encore mis mon article en ligne. Guy a fait un film. Quand il sera monté, si tu veux je t'en fais une copie ! ou on se voit pour le visionner. Mais ce n'est pas pour tout de suite car il faut restaurer l'ordi qui servira au montage.
    13
    Samedi 13 Octobre 2012 à 00:23

    ah oui ? Tu parles de ces grosses serrures qui ressemblent à une sorte de jeu de construction ? Ali s'assoit par terre, et nous sommes autour de lui... et c'est magique... il nous montre avec habileté comme les pièces de bois s'emboîtent les unes dans les autres et fait glisser la pièce métallique (enfin, je vais voir ça sur ton blog qui est toujours tellement détaillé !)

    12
    Vendredi 12 Octobre 2012 à 23:59
    je cherche comment expliquer le système de fermeture des ghorfas. je suis tombée sur ton com sur un site, je crois que je vais reprendre tes mots !!!
    11
    Lundi 6 Février 2012 à 23:10

    Je ne connaissais pas ce dernier livre de Camus, j'avais dû lire un article sur le Nouvel Obs au moment de sa parution. C'est un livre magnifique et très émouvant, et bien entendu plein de souvenirs d'enfance... Je suis certaine que tu aimerais...

    10
    Lundi 6 Février 2012 à 22:42
    C'est tellement pur, tellement émouvant.
    Je n'ai pas de mots, mais oui les yeux brouillés
    9
    Lundi 30 Janvier 2012 à 21:59
    C'est une bonne idée d'associer littérature et voyages. Comme j'aime les deux, je te suis avec joie.
    Passe une bonne semaine.
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    8
    Vendredi 27 Janvier 2012 à 23:53

    Bien sûr, tout est relatif, et la mémoire plus que tout...

    7
    Vendredi 27 Janvier 2012 à 22:43
    Certes mais cela ne me semble pas différent de ceux qui ont eu la chance de connaître leurs parents. Parce que nos enfants ne gardent pas en mémoire nos souvenirs propres. Donc nos parents mourront avec nous une seconde fois quand nous ne serons plus là pour nous rappeler d'eux.
    Seul le temps diffère ...
    6
    Vendredi 27 Janvier 2012 à 15:40

    C'est un livre extraordinaire... et dans le premier chapitre Camus décrit précisément le mal qui m'a toujours rongée... Comme lui, je me sens dépositaire d'une mémoire perdue à jamais, et quand je disparaîtrai, il mourra à nouveau... (définitivement cette fois)

    5
    Vendredi 27 Janvier 2012 à 15:03
    Lui non plus n'était pas guéri de l'absence du père. Le texte est brut de retouches, le texte est très beau. Camus l'exhume du plus profond, comme il voudrait pouvoir exhumer la figure de ce père oublié de tous et dont la pensée le poursuit jusqu'à la fin.
    4
    Vendredi 27 Janvier 2012 à 09:24

    Tu as raison Dan, c'est un texte très accessible, très bien écrit (et quand on sait que c'est un premier jet d'écriture, c'est remarquable). En dehors du fait qu'il peut être considéré comme la clef de toute la personnalité de Camus et donc de son oeuvre, c'est un livre très coloré plein de souvenirs d'enfance et d'adolescence. 

    3
    DAN
    Vendredi 27 Janvier 2012 à 07:31
    Un dernier livre qu'il faudrait peut être lire en premier pour ceux n'ayant jamais lu cet auteur .
    2
    Jeudi 26 Janvier 2012 à 23:55

    L'ultime...

    ce livre est dédié "à toi qui ne pourra jamais lire ce livre"...

    C'est un livre fondateur, très émouvant... Je l'ai adoré !

    1
    Jeudi 26 Janvier 2012 à 23:50
    Merci de nous parler de Camus, Eva... Je ne connaissais pas cette oeuvre.
    Amitiés
    PP
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