• Alberto Burri (1915-1995)

     

    Alberto Burri

     « Ruderi di Gibellina » par Gabriel Valentini — Travail personnel. Sous licence CC BY-SA 3.0 via Wikimedia Commons - http://commons.wikimedia.org/wiki/File:Ruderi_di_Gibellina.jpg#mediaviewer/File:Ruderi_di_Gibellina.jpg

     

    A Gibellina en Sicile, Alberto Burri réalise entre 1985 et 1989, le Grande Cretto  en recouvrant de ciment tout un village détruit par le tremblement de terre de Belice le 14 janvier 1968 (quatre villages furent alors détruits), laissant la majorité des familles sans abri. Il s'agit là d'un exemple monumental de land art. C'est une immense chape (coltre) de ciment qui s'étale sur le flanc sud sud-est de la montagne selon la forme d'un quadrilatère irrégulier de quelques 300m sur 400m. Dans le ciment ont été tracées de grandes tranchées de 1.6m de profondeur et 2 à 3m de largeur, dans lesquelles les visiteurs peuvent circuler. Elles suivent le tracé des rues de l'ancienne ville et permettent de restituer l'idée de la cité avant le tremblement de terre. 

    Un mémorial impressionnant, qui se présente comme un craquelé immense... à l'échelle de ce tremblement de terre, et dont la valeur artistique réside dans le gel de la mémoire historique d'un pays. C'est l'une des oeuvres d'art contemporain la plus étendue dans le monde, une oeuvre poignante qui m'a donné envie d'en savoir plus sur Alberto Burri...

      

    Alberto Burri

     

    Alberto Burri

      

     

      

    J'ai choisi ce portrait d'Alberto Burri, parce que j'aime les mains, surtout les mains des artistes, elle disent beaucoup de leur travail, de leur personnalité, et de leur générosité, de la façon qu'ils ont de donner à l'Art, et au public, à nous tous qui ne comprenons pas toujours ...

    Il est né le 12 mars 1915 à Città di Castello en Italie, et mort à Nice en France le 13 février 1995. Après des études médicales, il obtient son diplôme de médecin à l'université de Pérouse en 1940, et sert dans l'armée italienne durant la seconde guerre mondiale. Capturé avec son unité en Afrique du Nord, il commence à peindre alors qu'il est détenu à Herreford (Texas) dans un camp d'internement pour prisonniers de guerre. Il fait alors ses premières expériences de peinture sur des sacs de jute.

    Libéré en 1946, il s'installe à Rome, où a lieu, l'année suivante, sa première exposition personnelle à la Galleria La Margherita. En 1949 il expose à Paris au Salon des Réalités Nouvelles ses premiers Catrami (goudrons) et Muffe (moisissures). En 1950 il fonde le groupe Origine. A partir de 1953 ses expositions se succèdent sans discontinuer en France et aux Etats Unis.

    A partir de 1952 il commence à réaliser sa célèbre série des sacchi (sacs) toile de jute qu'il peint, racle et plonge dans la colle avant de les recouvrir de linge usés et déchirés, dont il utilise les trous, rapiéçages, abrasions ou éraflures, métaphore de chair humaine meurtrie, blessée et ensanglantée.

     

    Alberto Burri (1915-1995)

    Catrame 1949

    Alberto Burri (1915-1995)

     

    Alberto Burri (1915-1995)

     

    Aussi étrange que cela puisse paraître, l'expérience dramatique et douloureuse d'être un prisonnier de guerre dans un camp américain est devenu un catalyseur pour l'évolution de ce jeune médecin italien, dont la première des oeuvres a été réalisée alors qu'il était emprisonné. Sachant cela, on considère les matériaux humbles de ses premières oeuvres, et on imagine les privations subies au cours de cette période de captivité. Mais le plus extraordinaire, c'est qu'il réussit à créer, avec des matériaux limités, une telle variété d'effets dramatiques à la fois dans la composition et la texture...

    Ainsi, Burri qui avait reçu une formation médicale, va transformer l'anatomie du tableau, en traiter la surface comme une peau, avec ses coutures, ses cicatrices, et ses tensions.

    A partir de 1956, il introduit selon le même principe des morceaux de bois (Legni ) 1957, de tôles industrielles rouillées et soumises à une forte chaleur (Ferri) 1958, puis, dans les années 1960, de plastique brûlé : ce sont les Combustioni, où les minces couches de plastique, déformées et trouées par les flammes reprennent le thème de la brûlure, de la blessure physique ou morale. 

    Les Gobbi sont des leviers en bois ou en métal, fichés au dos du support, qui boursouflent le tableau et l'apparente à la sculpture... Les textures extrêmement variées et créatives de Burri intéressent les plus grands : Rauschenberg vient le voir à Rome en 1953 et Calder en 1954.

     

    Alberto Burri (1915-1995)

     

    Legno

     

    Alberto Burri (1915-1995)

    Grande Ferro (tôle montée sur toile)

     

     

    Alberto Burri (1915-1995)

     Plastique, acrylique, colle et cellotex roussi

     

    Alberto Burri (1915-1995)

     

     

    Alberto Burri (1915-1995)

    Contrairement à d'autres oeuvres de la série des "combustioni" où le plastique est opaque, rouge ou noir, il est ici blanc et transparent, tendu sur un cadre métallique. L'oeuvre paraîtrait immatérielle si les trous dus à la combustion ne lui rendaient pas un aspect visuel et tactile en raison de leurs rebords noircis et ourlés et parce que le vide qu'ils ouvrent fait ressortir par contraste l'épaisseur du plastique. La série gagne en radicalité : elle se passe de toile de fond, et la peinture est désormais totalement absente, laissant place à la légereté et l'évanescence. 

     

     

    "Pour moi, la peinture c'est une liberté qu'il faut arriver à affermir, à défendre avec prudence." Alberto Burri

     

    Alberto Burri (1915-1995)

     

      

    A partir de 1973, il réalise les cretti (crevasses) compositions de très grand format utilisant des résines qui rappellent les fendillements de la boue séchée au soleil. La deuxième video montre bien les différentes façons de travailler, et les différents formats des oeuvres. 

     

     

    TRAILER Alberto Burri - La vita nell'arte from Davide Gambino on Vimeo.

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  • Commentaires

    14
    Lundi 23 Février 2015 à 14:00

    Merci Nikole, tout m'a séduite aussi chez lui : les couleurs, les textures, les matières, et... la sincérité !

    13
    Dimanche 22 Février 2015 à 14:19

    Merci pour cette découverte artistique. Alberto Burri : je ne connaissais pas. J'aime beaucoup cette matière, cette densité, cette profondeur. Cette présence.
    Bonne journée !

    12
    Vendredi 20 Février 2015 à 22:29

    ah bonsoir Philippe ! c'est sûr que ça te change un peu du skrapbooking dans lequel tu excelles intello!  

    11
    Philippe D
    Vendredi 20 Février 2015 à 21:52

    Je passe vite là-dessus car, comme dirait mon fils :"C'est de l'art avec un grand H" ! Pas mon genre du tout! 

    Bon weekend à toi. 

    10
    Vendredi 20 Février 2015 à 09:20

    @Henri-Pierre : ça me touche beaucoup d'avoir éveillé ton intérêt de ce côté-ci ! Muchos besos Henri-Pierre smile 

    9
    Vendredi 20 Février 2015 à 09:15

    @Myrto : Je me méfie toujours un peu des compliments, mais je suis comme tout le monde... je les aime !!! C'est mon plaisir à moi de faire connaître la beauté, de la partager, et si possible, de la faire aimer. Tous ceux que je découvre en même temps que vous sont mes amis, mes amours, ils sont mon rempart véritable contre le morne quotidien ou parfois l'horreur du monde... Reviens-nous vite Myrto, ta plume me manque, tes choix poétiques et tes illustrations aussi... (J'attends aussi d'autres petites pages comme celle-ci les-jours-blancs- 

    Bises

    8
    Vendredi 20 Février 2015 à 06:12
    Henri-Pierre

    Toi alors... Je n'ai pas grand appétit pour l'art contemporain, n'ayant pas assez de recul et rétif  à l'idée d'être un bobo-dupe koonifié je me méfie. Mais toi tu donnes à voir de l'intérieur et ton approche d'ouverture  révèle et suscite l'intérêt. Pourtant tu connais mon appréhension vis à vis de l'art dit conceptuel qui me semble souvent plus une exaltation. de l'ego qu'une vraie sensibilité d'artiste

    7
    Vendredi 20 Février 2015 à 01:27

    Ton blog est une mine de merveilles. Et de découvertes. Tes recherches, ta façon de les proposer, de les illustrer, d'éveiller immédiatement l'intérêt  et la curiosité pour les sujets que tu nous livres... Je sais Eva, tu vas trouver que cette profusion de compliments est exagérée. Pas du tout, juste l'expression d'émotions jaillissantes. J'aime tellement te lire. Je t'embrasse en attendant de revenir plus régulièrement sur mon blog.

    6
    Jeudi 19 Février 2015 à 23:32

    @ Dan : tu me fais plaisir, surtout lorsque tu écris que "comprendre, c'est déjà aimer" Les biographies des artistes sont toujours très importantes, très intéressantes quand on veut essayer de comprendre l'oeuvre.

    @ Christian, toi l'ébéniste, je suis certaine que tu aimerais toutes ses compositions inspirées par le Bois ! Merci de ta visite Christian, à bientôt.

    5
    Jeudi 19 Février 2015 à 21:05

    Superbe moi je découvre

    A bientôt

    4
    DAN
    Jeudi 19 Février 2015 à 18:28

     

    Sans toi il faut bien l'avouer je serai passer à côté de cet artiste, mais c'est ça qui est bien chez toi tu présentes un artiste d'une manière plaisante et donne assez d'éléments pour en comprendre l'œuvre, on aime ou on n'aime pas, mais au moins on comprend et comprendre c'est déjà un peu aimé !

     

    3
    Jeudi 19 Février 2015 à 18:08

    Francesco, merci pour tes encouragements devant mes tentatives de découvertes. Tu me fais "crever d'envie" quand tu évoques "Rosso Plastica" et les "Sacchi" exposées dans une église romane de l'Umbria... Moi qui suis capable de rester de longs moments en communion devant des toiles mythiques dans un musée, en faisant abstraction complète des allées et venues des autres visiteurs... Tu penses, une église... écrin inattendu provoquant ce contraste "troublant et mystique" inoubliable je le crois volontiers !

    J'ai hésité un peu pour la deuxième video parce que les deux intervenants s'exprimaient dans une autre langue que la mienne, mais... voilà, tu apportes les précisions qui me manquaient, et cette video est tellement représentative de l'immense créativité d'Alberto Burri, que je n'ai pas résisté longtemps. Merci Francesco ! 

    2
    Jeudi 19 Février 2015 à 17:14

    Merci Eva, après, Fontana, encore un hommage touchant, à un artiste, Alberto Burri,  que je considère extraordinaire, pour son travail fort et profond, dramatique et quand même très poétique. Son oeuvre est un voyage fascinant  dans l'univers de "la matière", un parcours exemplaire qui a ses racines dans la souffrance et qui arrive à la beauté "pure"… j'ai toujours associé ses créations aux "Primitifs Italiens" Giotto, Bellini…. pour la primitive pureté de ses créations. J'ai eu la chance de voir certains de ses grand tableaux "Rosso plastica" et des "Sacchi",  exposés à l'intérieur de certaines églises Romanes dans la région Italienne de l' Umbria, un impact et un contraste troublant et mystique que je n'oublierai jamais.

    Ton billet est tout simplement superbe  et parfaitement explicatif, Un grand merci à toi pour le partage!

    PS. La video est très belle, et j'ai vu la des témoignages d'au moins deux autres grands artistes, Janis Kounelis, d'origine grecque, mais Italien d'adoption, et Mario Ceroli, grand sculpteur de grande personnalité.  

    1
    Jeudi 19 Février 2015 à 15:30

    Bonjour

    C'est incroyable ce qu'il à fait!

    Les catastrophes naturelles font beaucoup de dégâts...

    merci pour cette page instructive!

    Bonne fin de semaine et bon week-end

    Bisous

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