• Assia Djebar (de l'Académie Française)

     

    "J'écris, comme tant d'autres femmes écrivains algériennes avec un sentiment d'urgence, contre la régression et la misogynie" (Assia Djerbar)  

     

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    "Laminage de ma culture orale en perdition : expulsée à onze, douze ans de ce théâtre des aveux féminins, ai-je par là même été épargnée du silence de la mortification ? Ecrire les plus anodins des souvenirs d'enfance renvoie donc au corps dépouillé de voix. Tenter l'autobiographie par les seuls mots français, c'est, sous le lent scalpel de l'autopsie à vif, montrer plus que sa peau. Sa chair se descame, semble-t-il, en lambeaux du parler d'enfance qui ne s'écrit plus. Les blessures s'ouvrent, les veines pleurent, coule le sang de soi et des autres, qui n'a jamais séché.

     

    Sous les projecteurs des mots voraces ou déformants, la nuit ancestrale se déploie. Avale le corps dans sa grâce d'éphémère. Nie les gestes dans leur spécificité. Ne laisse subsister que les sons.

     

    Parler de soi-même hors de la langue des aïeules, c'est se dévoiler certes, mais pas seulement pour sortir de l'enfance, pour s'en exiler définitivement. Le dévoilement, aussi contingent, devient, comme le souligne mon arabe dialectal du quotidien, vraiment "se mettre à nu".

     

    Or cette mise à nu, déployée dans la langue de l'ancien conquérant, lui qui, plus d'un siècle durant, a pu s'emparer de tout, sauf précisément des corps féminins, cette mise à nu renvoie étrangement à la mise à sac du ciècle précédent.

     

    Le corps, hors de l'embaumement des plaintes rituelles, se retrouve comme fagoté de hardes. Reviennent en écho les clameurs des ancêtres désarçonnés lors des combats oubliés ; et les hymnes des pleureuses, le thrène des spectatrices de la mort les accompagnent."

     

    Assia Djebar (in L'amour, la fantasia - éditions Albin Michel)

     

     

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  • Commentaires

    4
    Lundi 15 Octobre 2012 à 01:04

    Assia Djebar a plus qu'un joli style, elle est flamboyante... C'est un grand écrivain et un grand poète, une femme de l'exil et du déplacement, pas seulement de la terre, mais aussi du langage et des racines profondes... Bon lundi ma Danae

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    3
    Lundi 15 Octobre 2012 à 00:55

    je crois que oui, elle vont se battre comme des lionnes...

    2
    Lundi 15 Octobre 2012 à 00:09
    Je suis à peu près certain que l'avenir d'une Tunisie enfin libérée est entre les mains des femmes. Elles y parviendront.
    1
    Dimanche 14 Octobre 2012 à 13:27
    Heureusement qu'il y a des femmes comme elle pour défendre les droits des femmes avec en plus un joli style. Bon dimanche ma chère Eva
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