• Boubat et Baudelaire.

     

    Boubat et Baudelaire.

     

     

    Un hémisphère dans une chevelure.

    Laisse-moi respirer longtemps, longtemps, l'odeur de tes cheveux, y plonger tout mon visage, comme un homme altéré dans l'eau d'une source, et les agiter avec ma main comme un mouchoir odorant, pour secouer des souvenirs dans l'air.

    Si tu pouvais savoir tout ce que je vois ! tout ce que je sens ! tout ce que j'entends dans tes cheveux ! Mon âme voyage sur le parfum comme l'âme des autres hommes sur la musique.

    Tes cheveux contiennent tout un rêve, plein de voilures et de mâtures ; ils contiennent de grandes mers dont les moussons me portent vers de charmants climats, où l'espace est plus bleu et plus profond, où l'atmosphère est parfumée par les fruits, par les feuilles et par la peau humaine.

    Dans l'océan de ta chevelure, j'entrevois un port fourmillant de chants mélancoliques, d'hommes vigoureux de toutes nations et de navires de toutes formes découpant leurs architectures fines et compliquées sur un ciel immense où se prélasse l'éternelle chaleur.

    Dans les caresses de ta chevelure, je retrouve les langueurs des longues heures passées sur un divan, dans la chambre d'un beau navire, bercées par le roulis imperceptible du port, entre les pots de fleurs et les gargoulettes rafraîchissantes.

    Dans le foyer ardent de ta chevelure, je respire l'odeur du tabac mêlée à l'opium et au sucre ; dans la nuit de ta chevelure, je vois resplendir l'infini de l'azur tropical ; sur les rivages duvetés de ta chevelure je m'enivre des odeurs combinées du goudron, du musc et de l'huile de coco.

    Laisse-moi mordre longtemps tes tresses lourdes et noires. Quand je mordille tes cheveux élastiques et rebelles, il me semble que je mange des souvenirs.

    Charles Baudelaire (Le Spleen de Paris)

    Photo : Edouard Boubat  Florence au paravent

    Répons d'eva au poète :

     Oh mon très cher !

    Je serai ta mer calme et sauvage, lactescente et parfumée... 

    la vanille, l'opium et le tabac nous porteront ensemble,

    bien loin, bien loin, à la source résurgente des enchantements inventés...

     

    « Man RaySénèque... »

  • Commentaires

    11
    Mercredi 20 Mai 2015 à 20:55

    Francesco, en deux lignes, tu as défini tout ce qui fait l'attrait irrésistible de cette photo, et le charme envoûtant de Baudelaire...

    10
    Mercredi 20 Mai 2015 à 18:09

    …une apothéose d'un kitch divin et voluptueux qui rend la chevelure un autel païen pour le plaisir des sens,  jusqu'à la vertige… La photo de Boubat est une oeuvre d'art raffinée qui qui exalte encore plus, si possible, le poème merveilleux de Baudelaire….

    9
    Mercredi 20 Mai 2015 à 16:44

    Les mots du géant Baudelaire avec la photo de Boubat....c'est comme une bouffée d'opium :) 

    8
    Lundi 18 Mai 2015 à 19:13

    @ Ymi : oui, je ne voyais vraiment pas de mariage plus heureux que ces mots avec cette photo ! Amitiés Ymi

    @ Noëlle : rêve, rêvons, il n'y a plus que ça ! (puisqu'il pleut !!)

    7
    Lundi 18 Mai 2015 à 19:11
    6
    DAN
    Lundi 18 Mai 2015 à 18:53

    Boubat et Baudelaire, si l'un ne met pas inconnu, Baudelaire, l'autre je ne le connais pas du tout, et ici je peux connaitre les deux et constater leur talent respectif, l'un et l'autre ont atteins des sommets inatteignables  aujourd'hui !

    5
    Lundi 18 Mai 2015 à 18:52

    Là , j'adore !

    Les mots de Baudelaire se perdent et se mêlent  dans cette chevelure ! magnifique !

    On peut commencer à rêver....

    Bisous Eva

    4
    Lundi 18 Mai 2015 à 18:48

    Que de beautés !

    Cette superbe photo de chevelure, ô combien originale, va si bien au mots " lascifs et parfumés " de Beaudelaire.

    3
    Lundi 18 Mai 2015 à 18:17

    Bonsoir Georges, Baudelaire est l'un de mes préférés... Il est celui qui m'emporte le plus haut et le plus loin, que ce soit en prose ou en vers. J'avais déjà illustré par des repro de toiles de maîtres connus, des poèmes de Baudelaire louant les chevelures, mais cette photo-là, somptueuse par la mise en scène tellement originale et sophistiquée (quelle femme ou quel homme aurait l'idée de disposer ainsi des cheveux sur un paravent ?) cette photo ne pouvait être accompagnée que d'un texte de Baudelaire (un texte en prose souvent moins connu que les poèmes)... Merci de ton com Georges et toutes mes amitiés.

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    2
    Lundi 18 Mai 2015 à 17:32

    J'ai oublié de parler de la photo exposée........................je la préfère aux deux autres  , elle colle avec puissance aux deux textes.

    Une composition que j'apprécie.

    Georges

    1
    Lundi 18 Mai 2015 à 17:29

    Parallèle entre Blake qui voyait dans un grain de sable l'Univers..........Baudelaire voit dans la chevelure de la belle un monde de sens.

    Enfin de la poésie en prose et toute la sensualité souhaitée..................accompagnée parfaitement par quelques fragances orientales.

    J'aime ce rappel...........................et j'apprécie tes mots si peu nombreux mais tellement parlants.

    Amitiés Eva

     

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