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Broderie de mots sur éclair d'or
"Mon poignard d' or s'enflamme dans la chair pantelante de mes amours sauvages. Je suis un saint assassin. Un cannibale heureux. Un orgueilleux amant. Un iconoclaste."
(Franketienne poète Haïtien)
Et elle, malheureux ! As-tu pensé à celle qui va comme un zombi, comme une morte vivante, ton poignard d’or planté au milieu d’elle…
Elle ne peut rien faire, ni l’arracher ni l’oublier, et ne songe même pas à te haïr…
Elle n’est qu’une plaie vive, « la chair pantelante de tes amours sauvages », elle est la prêtresse de ton poignard d’or, la gardienne de ce culte iconoclaste, la victime consentante de ton amour cannibale…
Tu es l’ogre rieur, ravi, impuni, insatiable…
Elle est la passion fervente, violente et désespérée, tu es son point de non retour…
Ecartelée, elle est le torero encorné dans l’arène de l’amour, et toi, le toro terrible et puissant, le toro bravo, celui qui fonce, l’orgueilleux amant… Celui qu’elle a frôlé d’une main experte, qu’elle a mené avec grâce et habileté au centre de l’arène… celui devant qui elle a baissé la garde imprudemment, dans l’ivresse de la faena…
Tu as déchiré son habit de lumière, d’un seul coup de corne, par inadvertance, sans cruauté, par jeu… Le jeu de l’amour et de la mort… Le seul jeu qui compte dans la vie, un jeu chatoyant, exaltant, fascinant …
Le jeu qui fait frémir tes naseaux, qui fait battre son cœur à tout rompre…
D’un seul coup de corne, à cinq heures de l’après-midi, dans la lumière, tout soudain, tu l’as dépossédée de la muleta, la laissant sans force, sans défense, à ta merci…
© eva, mardi 23 février 2010
(Je remercie Jeanine Gran Riquelme qui m’a fait découvrir Franketienne, poète Haïtien, sa plume de feu, et son poignard d’or) link (Cendre et Braise)
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Commentaires
J'ai dû aller vérifier ce que c'est que la transverbération !
C'est une si douce caresse d'amour qui se fait alors entre l'âme et Dieu, que je prie Dieu dans Sa bonté de la faire éprouver à celui qui peut croire que je mens. (Chapitre XXIX, 17e partie)
Donc, vous aviez raison cher Henri-Pierre ! c'est à peu près l'équivalent !
J'ai pensé à sainte thérèse d'Avila et ses mots sur la transverbération...ah je ne me lasserai jamais de ce cher Frankétienne ! Dommage, ses extraits ne sont plus sur ton blog...
Tu me fais rire chaque fois que tu compares le torero à une femme. Ceci dit ton texte est magnifique et il colle parfaitement au propos de Frankétienne qui serait heureux de te lire...rien que pour le fun !je connais Franketienne de nom mais très mal son oeuvre et vais sans doute remédier à cela grâce à ce billet. j'ai un peu lu tes positions sur la corrida et suis assez près de ce que tu penses et ressens.
Pour ma part je ne mange pas de viande.Oui, je sais tout cela, je hais les abattoirs... Un boeuf conduit à l'abattoir et qui reste là-bas 24h peut maigrir de plusieurs dizaines de kilos, rien que de peur... Oui c'est abominable, et je déteste toutes les cruautés que l'on fait subir aux animaux.
Quand je suis allée à Ronda, l'un des berceaux de la tauromachie, j'ai vu au musée des arènes de Ronda des habits de lumière portés par des toreros à peine plus grands que moi. Les toreros ne mesuraient pas plus de 1.60m et les taureaux étaient toujours aussi énormes... Les toreros dépassaient à peine les cornes des taureaux... Il faut imaginer le courage des ces hommes affrontant ces énormes bêtes... Beaucoup ont laissé leur vie dans l'arène.
Il n'en reste pas moins vrai que la corrida est, de nos jours, une sinistre affaire de gros sous... Comme beaucoup d'autres entreprises !
Allez, j'en rajoute une couche puisque tu as ouvert la brèche : le taureau, il vaut mieux qu'il meure dans l'arène d'un seul coup d'épée, quand la faena est bien faite, plutôt qu'à l'abattoir. J'ai vu les porcs menés à l'abattoir et se faire électrocuter : et bien sais-tu que les porcs hurlent et reculent tous ensemble car ils sentent la mort ! C'est une vision abominable !si au moins toutes ces horreurs pouvaient servir à nourir la planète entière... Mais c'en est loin... ça me débecte ! (mais je sais bien que tu penses la même chose que moi). Amitiés Dan
Moi aussi Eva, je suis prêt a peu manger ( je ne mange vraiment que le midi) mais je crains que nos contemporaine ne pensent pas de même hélas !Au risque de me faire des ennemis, je peux dire que je n'excècre pas cette tradition... Il faut essuyer de temps en temps les larmes de crocodiles, et se poser la question suivante : si on interdit et supprime la corrida, que deviennent les toros ? Il n'y aura plus d'élevages de toros (les seuls animaux à être libres pendant leur vie de taureaux, les seuls à profiter du grand air et du galop)... Donc, plus de corrida, plus de taureaux, mais il faudra aussi, si l'on est complètement honnête, interdire les élevages intensifs (ceux où les bovins sont engraissés sous abri, sans jamais sortir) et interdire les poulets d'élevage et les poules pondeuses enfermées dans des cages -pour pondre en série- etc etc... Moi, ça m'est égal, je suis prête à me nourrir de pain et de fruits (sans OGM, sans pesticides SVP)
Comme tu le sais déjà, j'adore l'écriture de Franketienne... Il m'avait bien inspirée ! et si j'ai mêlé ta culture et la sienne, c'est que j'ai toujours vu l'amour comme une corrida, et vice-versa...
Ah Margareth ! sur l'île de Minos, on ne sacrifiait pas encore le taureau, on l'apprivoisait, on sautait par dessus ses cornes, parce qu'il personnifait les forces telluriques...
C'est que, voyez-vous Dominique, sur ce billet, Franketienne m'a beaucoup inspiré ! Bises du soir.
Tu as bien raison de dire le triste destin de la corrida, j'exècre cette ""tradition""Ton texte est vraiment flamboyant et tellement plein de réminiscences de ma culture. C'est Carmen, Lorca, le minotaure et le torero tout à la fois.
Je m'en vais mettre le lien de ce post pour Frankétienne car j'ai des branchements réguliers de Port-au-Prince directement sur ce billet. Si c'était LUI, il faudrait qu'il te lise. Il reconnaîtrait tout de suite sa "commère" comme on dit là-bas. Bises à toi.Beau texte, Eva. La fresque qui l'illustre me rappelle surtout les cours d'histoire antique au début du secondaire.Entre qualité vous avez l'art du titre chère Eva. Bises à vous et bonne journée. DominiqueJe reviens pour te dire que si les mots de Frankétienne sont forts (chair pantelante) c'est qu'en filigrane, il y a le viol de sa mère par un milliardaire américain, dont il est le fruit. On revient toujours au couple amour/mort. Je te conseille d'aller voir la toile de Frankétienne sur son site, qui s'appelle "naufrage annoncé."Dans la rubrique "boutique" Bonsoir Eva.Les psychanalystes ne savent rien faire contre la maladie d'amour mais les mères savent la tuer dans l'oeuf et jeter un voile infranchissable sur son feu !Un texte magnifique. Une réponse de taille à tous ceux qui se livrent au jeu de l'Amour et de la Mort.ça alors ! je ne connaissais pas "luchar" ! ce que c'est que les mots !
ça m'émerveille toujours le pouvoir des mots ! quelle magie !L'amour c'est le feu. Il te consume ou il te fait sortir de toi-même. Tu te perds dans l'amour, puisque tu veux la fusion totale inaccessible... La passion se doit d'être passagère, un feu de paille, sinon prend garde à toi : burned out, tu connais? Brûlée de l'intérieur = mort. Ce n'est pas pour rien que faire l'amour se disait "luchar" au moyen-âge hispanique...c'est un auteur-poète à découvrir, pour qui aime les mots forts et vrais...
Bises du soir. eva.Je vous remercie Dominique d'avoir apprécié mon explication de texte.
Ce sujet si controversé qui soulève la critique presque autant que celui que vous avez traité aujourd'hui, prend aussi ses racines au plus profond... Les Minoens adoraient le taureau parce qu'ils pensaient que c'était une divinité responsable des tremblements de terre... Ils l'ont d'abord vénéré, et les jeux qui sont illustrés sur cette image n'étaient jamais destinés à tuer le taureau, mais à le charmer ! Le triste destin de la corrida ne vint que bien plus tard, et n'était jamais sans risque pour le torero... Le rapprochement que j'en fait avec l'amour-passion n'est pas tellement exagéré : l'un ou l'autre y laisse souvent sa peau après avoir eu beaucoup d'exaltation (partagée ou pas !). Je vous embrasse Dominique.
eva.Oui, ma chère Jeanine, c'est mon passe-temps favori, tu as tout deviné !
Je suis hypnotisée par l'amour-passion comme par la mort (l'amor-la mort)... et vu le peu de com que j'ai ce soir, je peux affirmer que mon passe-temps favori est un énorme tabou : l'amour-passion est comme la mort : le dernier tabou ! On lui préfère les petites fleurs... Pourtant, je l'affirme : la passion à mort, l'amour et la mort, sont les seuls sujets véritablement intéressants... Ce sont les seuls qui te projettent loin, avec force...
Je t'embrasse. eva.Aujourd'hui la "bailarina" a joué à son passe-temps favori, la danse de la mort et de la vie réunies dans une évocation somptueuse : Carmen ou la corrida de l'amour, le feu et son corollaire, la douleur, extrêmes qui nous mènent tantôt sur des sommets comme aux abysses...Les images sont belles pour décrire la violence du sentiment... je m'en vais découvrir cet auteur!
Bises,
SandraLe titre est déja une promesse de belle lecture !
L'explication de texte qui suit fine et précise laisse entrevoir un amour certain pour cet art si controversé.
Bel article Eva, comme je les aime.
Bonne journée à vous. Dominique
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A bientôt