• Chateaubriand à Tivoli (12 décembre 1803)

     

    Villa Adriana

     

    "Je me suis souvent fait deux questions au milieu des ruines romaines : les maisons des particuliers étaient composées d'une multitude de portiques, de chambres voûtées, de chapelles, de salles, de galeries souterraines, de passages obscurs et secrets : à quoi pouvait servir tant de logements pour un seul maître ?Les offices des esclaves, des hôtes, des clients étaient presques toujours construits à part.

     

    Pour résoudre cette première question, je me figure toujours le citoyen romain dans sa maison comme une espèce de religieux qui s'était bâti des cloîtres. Cette vie intérieure, indiquée par la seule forme des habitations, ne serait-elle point une des causes de ce calme qu'on remarque dans les écrits des anciens ? Cicéron retrouvait dans les longues galeries de ses habitations, dans les temples domestiques qui y étaient cachés, la paix qu'il y avait perdue au commerce des hommes. Le jour même que l'on recevait dans ces demeures semblait porter à la quiétude. Il descendait presque toujours de la voûte ou des fenêtres percées très haut ; cette lumière perpendiculaire, si égale et si tranquille, avec laquelle nous éclairons nos salons de peinture, servait si j'ose m'exprimer ainsi, servait au Romain, à contempler le tableau de sa vie. Nous, il nous faut des fenêtres sur des rues, sur des marchés ou des carrefours. Tout ce qui s'agite ou fait du bruit nous plaît ; le recueillement, la gravité, le silence nous ennuient.

     

    8-Adriana-17.jpg

     

    La seconde question que je me fais est celle-ci : Pourquoi tant de monuments consacrés aux mêmes usages ? On voit incessamment des salles pour des bibliothèques, et il y avait peu de livres chez les anciens. On rencontre à chaque pas des thermes : les thermes de Néron, de Titus, de Caracalla, de Dioclétien, etc. Quand Rome eut été trois fois plus peuplée qu'elle ne l'a jamais été, la dixième partie de ces bains auraient suffi aux besoins publics.

     

    Villa Adriana

     

    Je me réponds qu'il est probable que ces monuments furent dès l'époque de leur érection de véritables ruines et des lieux délaissés. Un empereur renversait ou dépouillait les ouvrages de son devancier, afin d'entreprendre lui-même d'autres édifices, que son successeur se hâtait à son tour d'abandonner. Le sang et les sueurs des peuples furent employés aux inutiles travaux de la vanité d'un homme, jusqu'au jour où les vengeurs du monde, sortis du fond de leurs forêts, vinrent planter l'étendard de la croix sur ces monuments de l'orgueil. "        

     

    Voyage en Italie (Villa Adriana à Tivoli ) François-René de Chateaubriand.

     

    source : link         

     

    Villa Adriana

    photos eva octobre 2004 

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  • Commentaires

    4
    Vendredi 10 Mai 2013 à 08:12

    tu as tout à fait raison Henri-Pierre, et quand on n'a pas les moyens, il reste l'imagination...

    3
    Jeudi 9 Mai 2013 à 16:14
    Diversification des pièces ou des "lieux" pour a demeure d'un seul homme...
    Les exemples ont toujours été nombreux :
    Les "déserts", les nymphées, les "hameaux" et autres retraites ou kioskes, etc.
    L'être humain, lorsqu'il en a le loisir et/ou les moyens se crée son monde à coups de mondes.
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    2
    Lundi 29 Avril 2013 à 23:01

    J'aime beaucoup retrouver les textes des auteurs célèbres qui ont visité des lieux prestigieux bien avant moi... J'aime lire leur émotion ou leurs réflexions devant les mêmes pierres, j'aime mettre mes pas dans leurs pas... 

    1
    DAN
    Lundi 29 Avril 2013 à 00:46
    C'est une façon de voir les choses au XIX siècle, aujourd'hui il en est tout autrement, même l'histoire évolue !
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