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Claude Roy, la rivière endormie (1999)
Dans son sommeil glissant l'eau se suscite un songe
Un chuchotis de joncs de roseaux d'herbes lentes
Et ne sait jamais bien dans son dormant mélange
Où le bougeant de l'eau cède au calme des plantes
La rivière engourdie par l'odeur de la menthe
Dans les draps de son lit se retourne et se coule
Mêlant ses eaux mortes à la chanson coulante
Elle est celle qu'elle est surprise d'être une autre
L'eau qui dort se réveille absente de son flot
Ecarte de ses bras les lianes qui la lient
Déjouant la verdure et l'incessant complot
Qu'ourdissent dans son flux les algues alanguies.
Claude Roy.
photos eva
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Commentaires
Je quitte "la rivière endormie" de Louis-Paul pour retrouver tes superbes photos et ce très beau poème !
Bises EvaCe poème est très beau et je suis tombé sur ta publication en faisant des recherches chez Monsieur Google...pour illustrer par un texte une photo.
Le monde est petit.
je t'embrasse Eva, bonne soirée."susciter"un songe signifiant "provoquer", "faire naître" un songe... Je trouve que "se susciter un songe" est une tournure infiniment poétique, et elle évoque bien un repliement sur soi (un peu comme un balancement autiste). Le filet d'eau, entièrement concentré à suivre son cour... perdu dans le songe du bruissement de lui-même... L'allitération en "s" évoque le chuintement de l'eau qui court...
"Le bougeant" est inusité, mais on ne peut guère le remplacer par "mouvement" (trop de syllabes) et puis, mouvement est plus adapté à l'humain ou l'animal... "bougeant" convient à l'imprécision, le vague et l'insaisissable du liquide...
"Elle est celle qu'elle est, surprise d'être une autre"... l'eau vive est toujours la même, et jamais la même... (je ne sais plus quel poète a déjà dit ça) Et cette vérité est si évidente, qu'elle est surprenante aussi pour l'eau qui coule... et qui s'étonne de n'être jamais la même, tout en étant elle ! J'adore ce vers qui est rendu étrange par l'absence de la virgule !
Que dire enfin de "L'eau qui dort se réveille absente de son flot" ? Une fois de plus, étonnée de ne pas couler (puisque telle est sa vocation). Ne dirait-on pas que cette délicieuse, s'éveillant, s'étirant comme une princesse, déplie au-dessus de sa tête ses jolis bras afin de se libérer des "lianes qui la lient"... Encore une merveilleuse allitération qui n'est rien d'autre qu'une chanson de l'eau...
Oui on entend effectivement l'eau couler mais je trouve déconcertant, par exemple, qu'il emploie le pronominal pour le verbe susciter. Le bougeant, forme substantivée du verbe bouger, inusitée... pour ne citer que ces deux tournures !Quand j'ai recopié ce poème, j'ai été un peu surprise de l'absence totale de ponctuation. En lisant à haute voix (ou plutôt en chuchotant) ces alexandrins, il m'a semblé entendre réellement le bruit de l'eau accentué par les allitérations... et la non ponctuation fluidifie encore ce bruit léger qui coule à l'oreille... Plus je le lis, et plus je l'aime... et plus j'entends l'eau couler...
On entend l'eau couler, bien que l'élocution du poète me laisse perplexe... Il a une façon curieuse de tourner les phrases...:-))Très jolies photos pour accompagner ce beau poème. Bonne soirée.Mais dis-moi Eva, Claude Roy a fait le chemin de la source de Charmes sans moi ?
Je lui aurais volontiers offert un thé
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ah, je vais aller voir la rivière endormie de Louis-Paul alors