• Elsa et Aragon, du mythe à la réalité...

    Elsa et Aragon, du mythe à la réalité...

     

    Les poèmes d’amour à Elsa par Aragon restent parmi les plus beaux qui aient été jamais écrits. Parmi les plus beaux, mais aussi les plus connus, parce que les plus chantés. Cette poésie a contribué à forger le mythe du couple Aragon-Triolet. Cependant, ainsi que l’écrivait le poète « Il n’y a pas d’amour heureux », et à y regarder de plus près, si elle fut son amour, sa muse et son épouse, son compagnon de route, de lutte, de résistance, elle ne vécut pas un amour heureux : après 35ans de vie commune, elle lui écrit une lettre bouleversante dont voici un extrait :

     

    « La solitude n'est pas le grand thème de mes livres, elle l'est - de ma vie. J'y suis habituée, je m'y plais après tout. A l'heure qu'il est, le contraire me dérangerait. Ce que je veux ? Rien. Le dire. Que tu t'en rendes compte. Mais j'ai déjà essayé, je sais que c'est impossible. Et si tu me dis encore une fois combien juste maintenant tu tiens tout à bout de bras - je casse tout dans la maison ! Je ne mendie pas, rien, ni ton temps, ni ton assistance, ce que je ne supporte pas c'est la manière dont tu te tiens sur la défensive, les barbelés et les fossés. Ma peine te dérange, il ne faut pas que j'aie mal, juste quand tu as tant à faire. Moi aussi je prends sur moi, et même je ne fais que cela. A en éclater, à sauter au plafond. Même ma mort, c'est à toi que cela arriverait."  

     

    Dans la video de l’INA que j’ai choisie, on remarquera qu’Elsa ne quitte pas Aragon des yeux (les yeux d’Elsa, pleins d’amour et d’admiration) contrairement à lui qui n’est occupé qu’à la présentation pérorante  de son ouvrage. Le ton est prétentieux, hautain, désagréable, alors que celui d’Elsa est modeste et naturel. Ces deux documents tendent à montrer qu’Elsa était surtout pour Aragon, un précieux faire-valoir, une femme intelligente, brillante et talentueuse dont le regard amoureux et fervent posé sur lui le confortait dans son ego, son estime de soi. Triste constat ! Un accroc à la légende…

     

     

     on peut lire l'intégralité de la lettre d'Elsa ici

     

    « "Cattedrale"CV du chat Edgar »

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  • Commentaires

    17
    Dimanche 3 Janvier 2016 à 17:15
    Henri-Pierre

    Jamais Aragon ne m'a ému, il a le verbe intelligent et talentueux ainsi que le sens de la formule et le mot qui touche, mais le tout sans chaleur, sans désir d'autrui.
    La solitude d'Elsa vient nous dire que "deux" n'existe pas, c'est toujours "un" plus "un"

      • Dimanche 3 Janvier 2016 à 18:07

        J'aime bien la formule "Deux n'existe pas..." ça me rappelle quelque chose.... glasses

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    16
    Samedi 2 Janvier 2016 à 06:55

    Elsa Triolet... J'ai une profonde affection pour elle. Je me souviens avoir lu dans sa correspondance, aussi, qu'un de ses espoirs était d'être au premier rang du cœur de quelqu'un. Terrible, n'est-ce pas ?

    15
    el duende
    Jeudi 31 Décembre 2015 à 13:00

    J'ai écouté le document de l'Ina : Les deux sont tendus. Elle, semble exaspérée, par moments (souffle et tension du visage) par "le jeu de représentation" d'Aragon qui n'est pas du tout naturel. Tout est surfait chez lui : sa façon de parler, sa fausse modestie qui transparait et sa crainte de faire un faux pas, de sortir du personnage d'écrivain sérieux dans lequel il s'est glissé ... mais à l'époque, ce n'était pas facile de se retrouver devant les caméras. 

    Je préfère cent fois la photo du haut où ils sont naturels et beaux. Le photographe a capté un moment de bonheur... Quand à la lettre : celle d'une femme ordinaire (Il y en a tant des effacées qui concourent à la réalisation du binôme) frustrée dans sa vie quotidienne par un homme qui se laisse dévorer par ses activités, ô combien importantes, au point de perdre de vue l'essentiel :"J'ai tout appris de toi sur les choses humaines, qu'il fait beau à midi, qu'un ciel peut être bleu, que le bonheur n'est pas un quinquet de taverne, tu m'as pris par la main dans cet enfer moderne..." Bises Eva et bonne soirée à toi. J.

      • Jeudi 31 Décembre 2015 à 15:09

        Tu as raison, et c'est bien ce que je leur reproche : leur façon guindée (surtout Aragon) et ça ne vient pas de l'époque de l'interview : j'ai intégré à ce blog des videos de Ungaretti et de Montale, à peu près de la même époque : ils sont "craquants" de simplicité, de naturel... parce qu'ils ETAIENT simples et naturels, ils ne "se la pétaient pas" eux !... Merci de ta participation, et bonne soirée à toi aussi (la mienne sera très simple et naturelle : à deux chez nous, près du sapin se déséchant, autour d'une petite table somptueusement simple et naturelle -bougies et vaisselle du dimanche-... Je t'embrasse.

    14
    Mercredi 30 Décembre 2015 à 15:31

    Elsa muse d'Aragon...Elsa raffinée et cultivée est elle-même artiste.

    Elle pouvait très bien se suffire à elle-même mais Elsa aime donc accepte d'être en retrait en échange d'un minimum de respect et surtout tant qu'elle y trouve plaisir.

    La muse d'Elsa c'est Aragon, elle a très bien su en profiter et y puiser son assurance et son inspiration, le mettre sur un piédestal et le vêtir de vertus inspirantes.

    Mais arrive un temps où les ailes sont fortes et grandes pour voler seule, le constat alors n'est pas tendre.

      • Mercredi 30 Décembre 2015 à 18:18

        ... juste une petite explication entre compagnons smile des petites discussions récurrentes qui "agaçaient" le Maître ! mais Elsa était aussi la "gardienne du temple"... Elle n'aurait donné sa place pour rien au monde !... 

    13
    Mercredi 30 Décembre 2015 à 14:25

    Bonjour Eva  Je ne connais pas très bien leurs oeuvres respectives. De la vidéo et de la forme, j'ai envie de dire déjà qu'elle est datée, cette émission de 1954 ne ressemble pas à la "grande librairie" qu'on peut voir actuellement à la télévision ! Ils sont tous deux en représentation. Malgré tout, on laisse à Elsa Triolet le temps de dire des choses très intéressantes sur Tchekhov. Aragon, lui, est plein d'emphase et finalement, il semble moins à l'aise qu'elle.

    J'ai retrouvé un article de Marianne "Aragon, prince de l'ambiguïté" avec notamment cette phrase "«Quel est celui que l'on prend pour moi ?»... Le fameux «mentir vrai» d'Aragon n'est pas un procédé littéraire. La fiction, la fiction seule permet à l'homme de se trouver, ou du moins de tenter de s'approcher lui-même. L'identité d'Aragon est à tout point de vue improbable. Enfant naturel, séducteur s'il en fut, amoureux des femmes et inventeur de sa propre féminité. On voudrait aujourd'hui lui coller à toute force une identité sexuelle, quand toute sa vie il n'eut de cesse d'en changer." Est-ce là un autre débat ? Je te laisse juge...

      • Mercredi 30 Décembre 2015 à 14:48

        Bonjour Nicole, finalement, c'est comme à la ménagerie du Jardin des Plantes : ce qu'on donne à voir n'est que la réalité déguisée. Aragon ne peut qu'être un personnage ambiguë étant donné l'enfance qu'il a eue... Ils étaient deux êtres raffinés, tourmentés, en souffrance, ils se sont trouvés, ont combattu pour les mêmes causes... "Il n'y a pas d'amour heureux" chanté par Brassens m'arrache des larmes chaque fois...

    12
    DAN
    Mercredi 30 Décembre 2015 à 10:38

    Alors je t'y rejoins, je ferai la vaisselle...yes

      • Mercredi 30 Décembre 2015 à 10:58

        avec plaisir ! y'a la place pour deux... yes

    11
    DAN
    Mercredi 30 Décembre 2015 à 10:11

    A propos d’Elsa, moi j’y ai vu une personne qui attend impatiemment qu’Aragon ait finit de parler, observe bien ses mains et sa tête au début de l’entretien, tant qu’elle parle elle n’y fait pas attention et est naturelle, mais quand Aragon prend la parole elle ne sait plus où regarder ni quoi faire de ses mains, comme si elle se disait « c’est un mauvais moment à passer patientons ». A la fin c’est son attitude qui change, ses mains ne s’exprime plus là c’est son regard et son attitude, la manière de se recaler dans le fauteuil, attendant là aussi que ça se termine. Mais bon, ce n’est que mon regard, pas une vérité en soi !

      • Mercredi 30 Décembre 2015 à 10:21

        ah ah ah ! tu as raison, ces deux-là faisaient bien la paire ! Rivalité de deux écrivains !... C'est comme moi à la maison quand ça parle de foot ou de mathématiques : j'attends que ça passe... je file à la cuisine... he 

    10
    DAN
    Mercredi 30 Décembre 2015 à 09:41

    Plus que les mots j’ai regardé attentivement les expressions et gestes d’Elsa et d’Aragon, voilà un langage que j’arrive à mieux décrypter que leurs paroles, mais certainement pas à les expliquer ce n’est pas mon fort !

      • Mercredi 30 Décembre 2015 à 09:47

        Bon, la video était là pour ça ! Et qu'as-tu vu ? As-tu vu la même chose que moi ? Aragon arrogant et factice (jusque dans sa diction lisant son poème) et Elsa douce et naturelle, fine et simple ?... Il n'y a pas grand chose à expliquer : c'est l'attraction du prédateur sur sa proie, la fascination qu'exerce le plus fort sur le moins fort... (mais ça aussi, c'est encore un raccourci... ) Bonne fin d'année Dan, et merci pour tes com toujours sincères.

        PS : Peut-être après tout, et en dépit des apparences, peut-être était-ce Elle qui était la plus forte...

    9
    Mercredi 30 Décembre 2015 à 09:26

    ah !.. s'il n'y avait que les poètes dans ce cas... sarcastic

    Triolet n'avait pas vraiment le profil d'une potiche... et j'imagine que le quotidien ne devait pas être tranquille entre ces deux-là ! Je le dis et le redis : il faut revendiquer le "mariage pour personne"...Le mariage est une hérésie, un acte contre l'amour ! intello

    Quant à ne pas confondre l'oeuvre et le créateur c'est un peu vite dit... Que tu le veuilles ou non c'est la personnalité du créateur qui façonne son oeuvre, il suffit de parcourir les biographies pour le constater... Je t'embrasse, et ne te souhaite pas une bonne fin d'année parce que je sais que ça va t'horripiler.... 

    8
    El duende
    Mercredi 30 Décembre 2015 à 04:23
    C'est souvent comme ça et surtout au siècle dernier ou la femme était vouée à etre une potiche. Les hommes avaient le privilège d'être à l'extérieur et les femmes aux fourneaux ... Ici c'est un poète, donc, un etre centré sur son ego. De toutes façons, il est bien connu qu'il ne faut pas confondre l'œuvre et le créateur. Tu m'as souvent entendue à ce sujet ...
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