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En wagon, le 7 octobre 1870
L'hiver, nous irons dans un petit wagon rose
Avec des coussins bleus.
Nous serons bien. Un nid de baisers fous repose
Dans chaque coin moelleux.
Tu fermeras l'oeil, pour ne point voir par la glace,
Grimacer les ombres des soirs,
Ces monstruosités hargneuses, populace
De démons noirs et de loups noirs.
Puis tu te sentiras la joue égratignée...
Un petit baiser, comme une folle araignée,
Te courra par le cou...
Et tu me diras : "Cherche ! " en inclinant la tête,
- Et nous prendrons du temps à trouver cette bête
- Qui voyage beaucoup...
Arthur Rimbaud (En wagon, le 7 octobre 1870)
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Commentaires
Un de mes poèmes préférés de Rimbaud, que je trouve tendre, même si en général ce n'est pas le premier adjectif qui me vient spontanément en tête en pensant à lui. Et j'aime, aussi, la photo qui l'illustre.
C'est un poème que j'ai découvert il y a seulement une dizaine d'année... Le fantasme du train... mais un fantasme plein de douceur et de tendresse... Le temps qui passe à la vitre du train... contre l'hiver et le mauvais temps, la froidure et les monstres grimaçants, la tendresse, et la douceur... au chaud dans un petit wagon rose...