L’après-midi s’étire lentement ce dimanche de juin. Silence pesant de sieste méridionale. L’air est transparent et chaud.
Depuis quelques temps déjà, tu affectionnes d’aller t’abriter à l’ombre de la haie de lauriers qui borde le petit lopin de terre au nord de la maison.
Là, tu t’allonges sur un transat de récupération, bricolé à ta façon, et tu somnoles, ou tu songes. Je ne sais au juste. Peut-être les deux à la fois.
Je t’observe de la fenêtre de la cuisine, toujours un peu inquiète. Cette immobilité suspecte. Tant de temps sans bouger. Est-ce que tu te sens bien ? Est-ce que tu somnoles ? Es-tu aux prises avec tes angoisses ?
Une ombre plane entre nous. Tu t‘éloignes tout doucement. Tes yeux, jadis malicieux, ne reflètent plus que la défaite prochaine, que la mort qui rôde et que tu attends désormais.
Ton cercle de vie s’est rétréci à l’extrême. Tu ne sors plus à présent du périmètre de la maison depuis que tu sais que ton corps te trahit tous les jours un peu plus. Ce corps qui est devenu le centre de tes préoccupations quotidiennes. Il faut à présent l’entretenir, le bichonner, pour tenter de l’inscrire dans la durée.
Tiraillé entre le désir d’en finir avec cette déchéance physique que tu ne peux plus te cacher, la peur du grand passage et l’envie de temporiser encore, pour tenter de saisir les rares rayons de soleil que la vie distille pour toi.
Et quand enfin, tu sors de ta torpeur, tu viens t’asseoir sous le grand catalpa aux larges feuilles, pour y admirer le rosier rouge sang que tu arroses minutieusement et qui te rend, comme par miracle, l’affection que tu lui portes.

Jeanine Gran Riquelme 20 mars 2008 

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