• Jean Fautrier (1898-1964)

     

    Jean Fautrier (1898-1964)

     

     

    Jean Fautrier : le sanglier écorché (huile sur toile 163x131)

     

     

    "Fautrier n’est pas autant séparé de l’histoire de l’art qu’on voudrait bien le dire. Le Bœuf écorché de Rembrandt, les cochons toilettés de Van Ostade, pour le thème, et pour la pâte, c’est la technique du torchon gras d’Antoine Vollon et des ténébristes de la fin du XIXesiècle.

    Ce n’est pas sans raison d’ailleurs que cette magnifique composition fut achetée en 1937 pour le Musée du Luxembourg par les derniers héritiers de Bonnat. Mais ce ne sont là que parentés extérieures. Dans ce Sanglier écorché et dans le Grand sanglier noir, donné par l’artiste au Musée d’Art moderne de la Ville de Paris en 1964, ce qui frappe ce sont les formats excessifs, extravagants même dans l’œuvre de Fautrier qui, d’ordinaire, peint petit. La bête fauve au poil collé est écartelée comme une vulgaire souris de laboratoire immobilisée dans l’ultime convulsion. Elle est éventrée au pinceau. Vision monstrueuse, insoutenable, pour ceux qui la virent au Salon d’automne, en 1927, où elle fut vraisemblablement présentée. Devant cette plaie béante comme un sexe ouvert et gluant, on ne reconnaît plus le vieux thème des trophées de chasse conventionnels. Contemporaines de lapins écorchés, de lapins pendus, de gigues de peau de lapin, ces natures mortes ont peu à voir avec la volaille faisandée de Soutine éclaboussée de couleurs. Le jeune Fautrier, triturant la pâte, grattant la toile, est une énigme de fureur inexpliquée qui trouve son paroxysme morbide dans son ténébreux nu d’homme éviscéré du Musée des Beaux-arts de Dijon. "

     Extrait du catalogue Collection art moderne - La collection du Centre Pompidou, Musée national d’art moderne, sous la direction de Brigitte Leal, Paris, Centre Pompidou, 2007

     

     

     

     

    "La peinture est une chose extrêmement sérieuse, extrêmement tragique et divine en quelque sorte. Des peintres comme Klee et Kandinsky ont exigé de trouver dans leurs tableaux non pas seulement les apparences comme l'avaient fait les peintres jusqu'ici, mais la réalité elle-même, l'essence de la réalité, quelque chose comme une présence divine qui justifiât le monde entier, et ça a été le sentiment de tous les peintres modernes depuis le cubisme" (Jean Paulhan)

     

    Jean Fautrier (1898-1964)

     

    Les Grands Arbres (1958)  

    Huile sur papier marouflé sur toile (114x146)

     

    "Il semble que Jean Fautrier dans ces Grands Arbres ait voulu tout rendre à la fois : à la terre son poids, à la nuit l'obscurité, à la cruauté sa tendresse, au jour son sourire, à l'âme sa part d'épaisseur. Tableau devenu monde élémentaire où la matière elle-même semble simple,indestructible et cependant presque indifférente à son propos, à l'image de ces promeneurs qui ont arpenté mille fois le même sentier, vu le même ruisseau, les mêmes cailloux, les mêmes mottes de terre, les mêmes arbres, et qui ne s'en soucient plus. Seuls les retiennent, un bref éclair le long d'une écorce, le pli d'une feuille, le frémissement d'une branche, l'agitation de l'eau. Dans son informalité, la peinture de Jean Fautrier, à l'image du promeneur, ne retient et ne révèle que ce qui suspend le sentier, le ruisseau, la pierre et l'arbre."

    source : Les Grands Arbres

    voir aussi : La jeune fille

     

     

     

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  • Commentaires

    21
    Mardi 3 Février 2015 à 10:06

    Merci Francesco, le cheminement des artistes en général me passionne et... me ravit (dans tous les sens du terme, c'est à dire qu'il me plait et m'emporte loin...si loin...)

    20
    Mardi 3 Février 2015 à 09:57

    Jean Fautrier… l'artiste des poètes, un des phares de mon imaginaire artistique… ses "otages" m'avaient foudroyé. Sa peinture primordiale et sombre, origine de "la blessure", a été ma nourriture créative.

    Je pense aussi à Jean Dubuffet et à son "Art brut", qui a su comprendre et aimer l'expression artistique des handicapé mental, et la, selon moi, paradoxalement, est le coeur pulsant de "l'Art", dépouillée de tout les artifices de la "consommation et du marché", nourriture de "la belle peinture", très souvent vide, banale et froide,  qui ne sait donner aucune émotion. Et la peinture, la photo, n'existent pas, sans l'émotion, sans la transgression et le courage d'aller au de la du "beau".

    PS. J'apprécie et je partage en plein ta réponse à Dan (n.12), j'ajoute que certains artistes sont arrivé à "l'essence" de la "peinture" bien avant de l'apparition de la photo.

    Merci Eva, tes billets, comme toujours, sont "beaux", le beau que j'aime, intelligents et courageux.  

    19
    Mardi 3 Février 2015 à 08:42

    Carole, tu me fais plaisir... Il y a tant de richesses à découvrir, tant de secrets dans ce qui peut sembler un peu éloigné de la beauté classique... 

    18
    Lundi 2 Février 2015 à 23:40

    Merci beaucoup pour cette présentation. Ce peintre n'était guère plus qu'un nom pour moi, mais tu as su me séduire. Je vais essayer de mieux le connaître.

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    17
    Lundi 2 Février 2015 à 22:48

    @ Thami  : c'est toi qui ose dire ça ?  Toi le creatif infatigable !  Quand   on aime  on ne trie pas  et bon sang ne saurait thamiser... bonne fin de soirée  et merci de ta visite  :-)

    16
    Lundi 2 Février 2015 à 22:38

    La première est sang pour sang réussie! Mais chez cet artiste, faut trier...


    Bonne fin de soirée chal-heureuse!

    15
    Philippe D
    Lundi 2 Février 2015 à 21:27

    Ah ça! je n'aime pas du tout mais il en faut pour tous les gouts.

    Bonne semaine. 

    14
    Lundi 2 Février 2015 à 11:35

    frown J'ignorais... mais ça n'a rien à voir avec l'art...

    13
    Lundi 2 Février 2015 à 11:28

    Je suis contente de t'avoir fait découvrir quelque chose, ce tableau que je n'aurais pas voulu dans ma salle à manger !!! Mais moi je parlais d'une expostition qui a été ambulante dans un temps, où on exposait de vrais hommes découpés en morceaux pour en voir les tranches et les organes à nu. Ah je n'aurais pas aimé aller voir ça. 

    12
    Lundi 2 Février 2015 à 11:16

    @ Dan : oui, c'est le but de l'art contemporain... transmettre des émotions. J'ai toujours expliqué à mes fils (ou à mes amis hermétiques à l'art moderne) que depuis l'apparition de la photo il n'était plus nécessaire de représenter la réalité, que l'artiste était libéré des apparences, et que dès cet instant, il avait pu inventer mille autres façons de peindre... Art pictural et photographie

    11
    Lundi 2 Février 2015 à 11:11

    @Danae : le net est un moyen de communication extraordinaire décidément ! Grâce à toi je suis allée voir cet "Homme ouvert"... voici le lien Homme ouvert et figure-toi qu'il m'a paru moins impressionnant que le sanglier écorché... Il est plus... abstrait ! et comme il est écrit dans l'analyse au lien

    " L’Homme ouvert se place à la frontière indécise entre la vision et le rêve, qu’évoquent les yeux clos et l’environnement noir dans lequel le corps semble immergé ou en apesanteur, entre mort et torpeur. Sur le plan plastique, cette absence de frontière est sensible dans l’ombre dont la tête est en partie recouverte et qui se confond avec le fond,"  

    Je te remercie Danae, cet échange est vraiment intéressant à tout point de vue. J'apprends en même temps que mes visiteurs, et j'apprends d'eux bien sûr. Bises ma chère Danae !

    10
    DAN
    Lundi 2 Février 2015 à 11:06

     

    Là où les mots ne suffisent plus où les paroles sont impuissantes, la peinture prend le relai de ce qui est inexprimable, des émotions que l'art sait mettre à notre portée.

     

    9
    Lundi 2 Février 2015 à 11:02

    @Danae : mille pardon ma Danae ! je l'avais zappé celui-là ! je vais aller voir ça tout de suite....yes

    8
    Lundi 2 Février 2015 à 10:56

    Je sais bien qu'il s'agit d'un sanglier, d'ailleurs on croirait un sexe de femme !!! Tu parles du musée de Dijon avec l'homme eviscéré et son paroxisme morbide, ce pourquoi mon com !!! Gros bisous

    7
    Lundi 2 Février 2015 à 10:52

    @Danae : il ne s'agit pas d'un homme, il s'agit d'un sanglier ! 

    @Jamadrou : l'art c'est autre chose que du "joli" ou du "beau" c'est ce que Paulhan explique très bien dans la video. Merci de ton com et bonne journée

    6
    Lundi 2 Février 2015 à 10:49

    Je n'arrive pas à comprendre comment on peut aller voir un homme écorché, manque de respect pour cet homme qui a été un être humain ! Bonne journée et bises ma chère Eva

    5
    jamadrou
    Lundi 2 Février 2015 à 10:49

    Il faut trier dans tout ça pour trouver le beau!

    4
    Lundi 2 Février 2015 à 10:42

    Wolfe, tu n'es pas folle !!! Si tu relis l'extrait du catalogue (juste au-dessous de la reproduction du sanglier écorché) on y a vu... un sexe... (qui n'est autre qu'une bouche également). Bises Wolfe

    3
    Lundi 2 Février 2015 à 10:32

    Bonjour

    Tu vas peut être me croire folle, mais j'ai l'impression de voir une bouche ouverte sur la première!

    Bisous

    2
    Lundi 2 Février 2015 à 09:28

    Merci pour ton com, la video de Paulhan est vraiment très intéressante, et il est vrai que "l'essence de la réalité" est plus facile à percevoir chez Klee et Kandinsky... j'ai fait un billet précédent concernant un autre peintre (moins connu) mais plus accessible : Ouanes amor et la sensation de l'olivier

    1
    Lundi 2 Février 2015 à 09:18

    Je végète à rien devant toute cette viande smile.

    Plus sérieusement, merci d'améliorer ma culture dans l'art de la peinture.

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