• L'atelier d'un peintre : Francesco Pagni.

     

     « …les quarante marches de l’escalier qui mènent à mon atelier sont en pierre grise.

    Elles se déplient comme un origami, dans une lumière méditerranéenne, provenant de grandes fenêtres, aux vitres poussiéreuses.

    Les quarante marches de l’escalier qui mènent à mon atelier, me permettent, en les parcourant lentement, de réfléchir.

    Un parcours en montée, purifiant, limbique, et désintoxiquant.

    Une sorte de « no man’s land », une sorte de chambre de décompression, à traverser, pour pouvoir rejoindre mon univers alchimique d’odeurs, de couleurs, de papiers, d’encres, d’essences, de pigments, de crayons, de charbons, de tissus, d’huiles, de sables, de terres et de potions magiques.

    Pour pouvoir rejoindre mes émotions, mes joies, mes douleurs, mes richesses, mes misères, mes forces, mes doutes et mes fragilités.

    Pour pouvoir rejoindre mon « moi ».

    Pour pouvoir mélanger et libérer, sans tabous, anarchiquement, matière forme et esprit, les transformer en peintures, en sculptures, en dessins, en images, et n’importe quoi d’autre.

    Dans mon atelier. »

      

     

     « C’est là que je suis. C’est là que j’ai. C’est là que je respire. C’est là que je désire. C’est là que réfléchis. C’est là que je dessine, que je déchire, que je gribouille. C’est là que je rêve. C’est là que je râle. C’est là que j’entends les voix joyeuses des écoliers qui sortent de l’école. C’est là que le cafard parfois m’envahit. C’est là que je parle avec * Pablo, avec Cy, avec Antoni et  Frida, avec Egon, avec Lucian et Oscar, avec Jean et Lucio, avec Robert, Alberto et Marc. C’est là que je souffle dans mon Harmonica. C’est là que j’écoute B.B.King, Nina Simone et Patti Smith, Bruce Springsteen, Léonard Cohen, Keith Jarret et Sonny Rollins, Brahms et Chopin. C’est là que je peins, que je peine, que je m’exalte. C’est là que je me cache, que je me dévoile. C’est là que j’aime, que je cherche, que je découvre, que j’écris. C’est là que je bosse. C’est là que parfois je ne fiche rien et je m’en fous. C’est là que je bois la lumière de l’hiver, de la neige, du brouillard et de la pluie, du ciel bleu et des nuages gris. C’est là que je manipule le sable, la terre et le feu. C’est là que je me nourris de couleurs et de magies. C’est là, jour après jour. C’est là que je suis heureux. Parfois. Souvent. Oui. C’est là.

    *Pablo Picasso, Cy Twonbly, Antoni Tapies, Frida Kahlo, Egon Schiele, Lucian Freud, Oscar Kokoschka, Jean Fautrier, Lucio Fontana, Robert Rauschenberg, Alberto Giacometti, Marc Rothko… »

     

      

     

    « …dans mon atelier…

    Odeur de bois, odeur de mon enfance. Odeur de colle et de sciure, odeur de térébenthine et de tempera. Odeur de cire et de goudron…

    La cafetière sur la flamme, chuchote des histoires mystérieuses, que je ne comprends pas.

    Le lin brut a un drôle de goût, fort, bestial, sauvage et rance… ça arrive, d’en sentir le goût… en le déchirant, avec les dents.

    Dans mon atelier.

    A chaque opération, correspond un geste, une méthode, une odeur.

    L’odeur du crayon, l’odeur du papier, l’odeur de la rouille, l’odeur du sable.

    Les notes de Blue Train. Le son de la folie géniale du saxo de Coltrane.

    La tempera a une odeur agréable de résineux. Cédratier du Canada. Le pastel, qui dégage son odeur en le frottant sur le papier, se dissout et s’exprime au léger contact de la sueur de la main.

    Le soleil, impertinent inonde mon atelier.

    Le fusain, a une odeur délicate, d’épice rare, mais difficile à percevoir, comme celle de l’ambre.

    Dans mon atelier.

    L’odeur du café, sur tout.

    Le rouge, le vert, le jaune et le blanc. Le noir. Les couleurs qui chantent au rythme d’un blues sub-saharien.

    Dans mon atelier.

    Je respire, je bouge, je marche, je sens… Les odeurs.

     

    Dans mon atelier… »

     

     


     

     

    Toutes les photos et les textes sont de Francesco Pagni  ©

    (que je remercie infiniment)

     

     Ils sont extraits de son blog  :  BLOW-UP 

     

     

     

    Francesco, Toi le peintre, le poète, le créateur de merveilles,

    Toi qui m’invites au plus secret de ton univers,

    Pour moi seule tu décris le visible, le palpable, l’évanescent, et tu me prépares ainsi à recevoir l’invisible, l’impalpable et le souffle mystérieux de l’étrange…

     

    Toi l'Artiste, le Poète, l’Ami le plus intime,

    Tu deviens alors pour moi le plus étonnant passeur d’émotion : celui qui aide à saisir l’essentiel de ce qui se donne, de ce qui est apparent et de ce qui est caché…

    Avec toi, tout est clair, lumineux, initiatique,

    et magiquement, avec toi, le paysage devient une énigme belle et profonde, grave et surprenante…

     

    Alors il me suffit de fermer les yeux pour être transportée dans ton atelier de peintre, ce lieu matriciel, cet endroit doux et chaud comme un ventre, rassurant, abrité comme une caverne…

    Rien d’autre n’existe plus alors que ce refuge protégé et fécond, cette bulle idéale, prête à se détacher du reste du monde…

     

    … pour voguer loin, bien loin du morne quotidien. Francesco, mon ami, sois donc bien remercié... (eva)

     

    « Robert Rauschenberg (1925-2008)Larmes »

    Tags Tags : , ,
  • Commentaires

    13
    Vendredi 23 Octobre 2015 à 17:51
    Henri-Pierre

    Pourquoi tous les enclos de création ont l'air si ouverts vers l'intelligence ?

      • Samedi 24 Octobre 2015 à 09:33

        Merci pour lui Henri-Pierre, je suis certaine qu'il sera très sensible à ton commentaire... Je t'embrasse pour tout. eva

    • Nom / Pseudo :

      E-mail (facultatif) :

      Site Web (facultatif) :

      Commentaire :


    12
    Vendredi 21 Août 2015 à 21:39

    Oui Nikole, ce peut être ça aussi le net...

    11
    Vendredi 21 Août 2015 à 13:50

    Quel billet émouvant et beau. La vie est belle quand elle est fraternelle et créative.

    10
    Jeudi 20 Août 2015 à 11:48

    Bon jour Eva, c'est un rêve de pouvoir avoir un atelier à soi où se sent si bien l'auteur artiste et qu'il décrit si intensément ! Tout est admirable. Sinon pour répondre à ton commentaire, pour moi les voyages lointains n'ont aucun inconvénient !!! Gros bisous

    9
    Jeudi 20 Août 2015 à 09:28

    @ Francesco : tes "petites créations" illuminent le quotidien de beaucoup d'entre nous... Elles nous sont essentielles...

    @ Katell : bienvenue ici et merciiii pour le com !.. Rendez-vous chez Francesco (Blow-Up) happy

    8
    Mercredi 19 Août 2015 à 21:31

    Merci Eva pour la jolie découverte de cet univers tout en poésie. Amicalement. wink2

    7
    Mercredi 19 Août 2015 à 19:39

    Eva, ma chère amie, merci! Tes mots, si pertinents et si précieux, illuminent mes petites créations… j'en suis touché…

    6
    Mercredi 19 Août 2015 à 15:28

    Et voilà ...tu as encore tout dit !

    Bisous Eva , ton com aussi est un petit bijou !

     

    5
    Mercredi 19 Août 2015 à 13:43

    Merci beaucoup Noëlle, j'ai choisi ce morceau musical qui évoque un peu la lente ascension des 40 marches vers l'atelier. J'ai choisi ces trois textes parce qu'ils décrivent tellement bien ce qu'est l'ivresse de la création et aussi la solitude de l'instant créatif, la magie de la "bulle" de l'univers d'un artiste. Les mots de Francesco décrivent parfaitement les couleurs, les odeurs, la sensualité des textures et des matériaux, ces trois textes sont une merveille de simplicité et d'harmonie, de partage des sensations aussi... Mais c'est toujours difficile de faire des choix dans les créations de Francesco (picturales ou poétiques, ou même photographiques)... Quant à son blog, chaque billet est un bijou à lui seul tant les mots, les illustrations et les choix musicaux sont indissociables... Parfois même les textes sont des petits rébus, des petits "secrétaires à tiroirs" ou des poupées russes, renfermant toujours et toujours une idée donnant naissance à une autre idée, une image contenant une autre image... Par ailleurs ce qui fait l'intérêt de Blow-Up c'est son homogénéité. Je t'embrasse Noëlle.

    4
    Mercredi 19 Août 2015 à 10:43

    Quelle émotion à te lire Eva !

    Tu le sais, j'adore aussi le blog de Francesco !  je ne peux rien ajouter à tes mots !

    Merci à tous les deux

    Je t'embrasse

    3
    Mardi 18 Août 2015 à 22:57

    oops hummmm ! merci Dan, j'en rougis de plaisir !...

    2
    DAN
    Mardi 18 Août 2015 à 22:51
    Qu'est-ce que vous écrivez bien tous les deux !
    Suivre le flux RSS des commentaires


    Ajouter un commentaire

    Nom / Pseudo :

    E-mail (facultatif) :

    Site Web (facultatif) :

    Commentaire :