• La belle endormie (Paul Placet)

     

     La Roque Gageac

     

    "Le village d'en bas est aux hommes de le "Dougne" : François Lastreille et ceux de son quartier ne se privant guère de brocarder ces "Pieds dans l'Eau", surtout quand la rivière vient à gargouiller sous leurs murailles.  Ils sont un peu plus riches, un peu moins besogneux, et ne manquent pas de tourner la dérision vers les "Pêcheurs de Lune" qui, perchés comme des corbeaux maigres, là-haut dans leurs pierrailles les observent, pieds sales et buveurs de vin, braillards, menteurs, républicains aussi ; une très ancienne guerre de clans que les gamins partagent, à l'heure du catéchisme et derrière l'église [...]

     

    La Roque Gageac 

     

    Pour ces hommes de la rivière, si le terrain occupé fut à peu près plat, il ne leur fut pas moins mesuré : une bande d'à peine quelques mètres et qu'ils se sont appliqués à consolider, à élever surtout pour se mettre à l'abri des crues, du moins des plus ordinaires. Autrefois - mais cela personne ne l'a connu - un rempart édifié directement sur l'eau, avec des tours, assurait contre les mauvaises surprises venues du fleuve. Une vieille gravure à la mairie, le nom d'un homme savant qui serait né ici, un certain Tarde - Gabriel, ou Guillaume, ou Jean - on passe sous la muraille de son manoir mais rien ne filtre pour l'entendement des villageois ordinaires. Dans les bâtisses autour, on peut voir de curieux moellons sculptés et réutilisés qui portent des signes de tâcherons, rien de précis, un balbutiement de l'histoire. On dit aussi - c'est le notaire qui garde les archives d'une mémoire plus sûre - que l'évêque de Sarlat, seigneur de La Roque au moyen âge aurait eu ici une résidence d'été et partant des intérêts à défendre. Un vieux fort démantelé, dans l'extrême hauteur ne reçoit plus de visites que des corneilles faisant le va et vient avec la plaine [...]

     

    La Roque Gageac 

     

    C'était il y a un siècle, c'est au présent.

    La chapelle est dans l'est du village, elle a traversé des bourrasques d'un temps qu'on croyait perdu. Petite chapelle et coeur de la communauté villageoise édifiée sur un éperon de défense, forteresse et foyer dans l'équilibre de ta porte étroite où sont passés la ronde des joies, des deuils. Des mains ont chantourné la pierre des colonnes ; l'harmonie du cintre ne te pèse pas. Là-haut sous le couronnement du toit de lauzes les figures de pierre grimacent ou sereines dans un mélange admis, sans équivoque, tellement humain, très pur : la souveraineté des anges et des diables invités à la même table. Le clocher est carré, d'une hauteur juste raisonnable, solide : un paysan debout au terme du sillon."

                                                                   Paul Placet.

    Extraits de "La Belle endormie" ou la dame de La Roque Gageac (2002)

    (ISBN 2-912032-34-2)                                        

    Editions La Lauze

    http://ecla.aquitaine.fr/Annuaire-des-professionnels/Ecrit-et-livre/Auteurs/Paul-Placet

    photos eva, mai 2011

    « La Roque Gageac, le Manoir de Tarde.Belves (Dordogne) »

  • Commentaires

    14
    Dimanche 22 Mai 2011 à 01:01
    Nous sommes bien en phase, chère Eva
    13
    Samedi 21 Mai 2011 à 21:24

    Tu as raison, je viens de lire ton dernier billet où tu as très bien exprimé la résurgence des souvenirs... résurgence si vive qu'elle est capable de provoquer une mélancolie où se mêlent joie et douleur. La joie à se rappler les bonheurs anciens et la douleur de ne les avoir plus... Rien n'est perdu de ce qui fut pour peu que l'on soit capable de continuer à se remémorer ces bonheurs-là... 

    12
    Samedi 21 Mai 2011 à 00:00
    "c'était il y a un siècle, c'est au présent", quelle convergence avec mon dernier billet...
    11
    Vendredi 20 Mai 2011 à 22:54
    Très bel angle de vue sur la première photo Eva... merci pour ce billet très complet et digne d'intérêt, bises et bon we à toi !
    10
    Vendredi 20 Mai 2011 à 22:53

    Les voitures des visiteurs sont toutes au parking près de la Dordogne : les promeneurs attendent le départ des gabares ! Sinon, tu as raison, l'unique rue de ce village accroché à la falaise est interdite aux véhicules (sauf exception) et on se demande bien comment les riverains peuvent rentrer leur voiture dans les garages des maisons ?... Mystère ! Il faudrait faire une enquête...

    9
    Vendredi 20 Mai 2011 à 22:21

    Dans ce cas précis, c'est plutôt le contraire : en 2006 j'ai lu le livre que j'avais beaucoup aimé, et puis j'ai envie de voir l'endroit... Bises Danae

    8
    Vendredi 20 Mai 2011 à 22:07

    J'ai lu ce roman il y en 2006, et j'ai voulu voir les lieux... Je n'ai pas été déçue...

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    7
    Vendredi 20 Mai 2011 à 19:42
    magnifique reportage, Eva
    bisous et belle soirée
    6
    Vendredi 20 Mai 2011 à 19:26
    Certains villages ont une âme si présente qu'elle transparaît non seulement dans la réalité des lieux mais parfois aussi, et très fortement, dans l'image saisie.
    Les photos que tu as faites de ce village paisible (peu d'automobiles), tout en harmonie avec son site ont ce petit plus qui fait tout.
    Quant au texte de Paul Placet il ajoute à la magie. J'irai à la bibliothèque chercher "la Belle endormie" car tu as aiguisé ma curiosité. Merci Eva et bon soir.
    5
    Vendredi 20 Mai 2011 à 14:23
    c'est très beau
    4
    Vendredi 20 Mai 2011 à 13:01
    j'aimerais bien suivre cette route qui méne surement vers de beaux paysages bonne journée
    3
    Vendredi 20 Mai 2011 à 10:18
    Bravo Eva, toujours à la recherche d'ouvrages qui relatent l'endroit visité ! Cela me donne envie d'y retourner et aussi j'aurais aimé canoter sur la Dordogne ! Bises ma chère Eva
    2
    Vendredi 20 Mai 2011 à 09:43
    Désolé Eva, un bug ! Mais, bon , ce n'est pas grave cela veut dire inconsciemment que j'aime beaucoup cet article. Bises. db
    1
    Vendredi 20 Mai 2011 à 09:38
    Très beau texte bien servi par vos photos. Je ne connaissais pas dutout cet écrivain que je ne connaissais pas. Bises à vous Eva et bon début de WE. Dominique
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