• La Peste (Albert Camus)

    La Peste (Albert Camus)

     

     

    « Les fléaux, en effet, sont une chose commune, mais on croit difficilement aux fléaux lorsqu’ils vous tombent sur la tête. Il y a eu dans le monde autant de pestes que de guerres. Et pourtant pestes et guerres trouvent les gens toujours aussi dépourvus. Le docteur Rieux était dépourvu, comme l’étaient nos concitoyens, et c’est ainsi qu’il faut comprendre ses hésitations. C’est ainsi qu’il faut comprendre aussi qu’il fut partagé entre l’inquiétude et la confiance. Quand une guerre éclate, les gens disent : "ça ne durera pas, c’est trop bête." Et sans doute une guerre est certainement trop bête, mais cela ne l’empêche pas de durer. La bêtise insiste toujours, on s’en apercevrait si l’on ne pensait pas toujours à soi. Nos concitoyens à cet égard étaient comme tout le monde, ils pensaient à eux-mêmes, autrement dit, ils étaient humanistes : ils ne croyaient pas aux fléaux. Le fléau n’est pas à la mesure de l’homme, on se dit donc que le fléau est irréel, c’est un mauvais rêve qui va passer. Mais il ne passe pas toujours et, de mauvais rêve en mauvais rêve, ce sont les hommes qui passent, et les humanistes en premier lieu, parce qu’ils n’ont pas pris leurs précautions. Nos concitoyens n’étaient pas plus coupables que d’autres, ils oubliaient d’être modestes, voilà tout, et ils pensaient que tout était encore possible pour eux, ce qui supposait que les fléaux étaient impossibles. Ils continuaient à faire des affaires, ils préparaient des voyages et ils avaient des opinions. Comment auraient-ils pensé à la peste qui supprime l’avenir, les déplacements et les discussions ? Ils se croyaient libres et personne ne sera jamais libre tant qu’il y aura des fléaux.» 

     

    La Peste (Albert Camus)

     

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  • Commentaires

    7
    Jeudi 14 Janvier 2016 à 11:41

    Et se connaître soi même Dan!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!

    Quelques fois , je dirai souvent, les psychiatres ( produit de l'Occident) nous donnent une image de certains  beaucoup en soulignant leur psycopathie.

    Comment peuvent-ils se connaître et selon quel mode alors?

    Et qui voudra ou nous emmènera vers Utopie.

    Les poètes et René Char certainement ........................sourire.

    Mais il va falloir que TOUT le monde se bouge et n'attende pas le loto gagnant ( c'est une grossière image)

    Bises

    6
    Mardi 12 Janvier 2016 à 19:08

    C'est un roman à double lecture très fort de Camus et qui hélas prend toute sa signification aujourd'hui dans ce monde à fléaux multiples! Ce " philosophe pour classes de terminales" comme se plaisait à le surnommer dans les années 70 un certain milieu plus élitiste qu’intellectuel démontre une fois de plus qu'il était aussi et surtout un auteur visionnaire!

    5
    Mardi 12 Janvier 2016 à 16:17

    Bonjour Eva, hélas les fléaux, les mauvais rêves existent toujours et pas seulement du temps de Camus. Que faire pour rendre l'humanité plus humaine ? déjà s'entendre avec son voisin et c'est pas toujours évident. hi hihi ! Bises ma belle

    4
    DAN
    Lundi 11 Janvier 2016 à 19:52

    Bonjour Eva,

    Vous faites toutes les deux une excellente analyse d ce texte, et je dois bien avouer que je ne le connaissais pas, on ne peut tout connaitre n’est-ce pas, c’est une des raisons de mes venues ici, toutefois ne l’ayant pas lu et en lisant ton commentaire Eva, je suis bien obligé de reconnaitre que ce texte est intemporel, qu’il s’adresse à toutes et à tous, l’homme est ainsi fait qu’à un moment il ne peut s’empêcher de taper sur la tête de son voisin et parfois sous un prétexte idiot. Alors il faut rester vigilant et apprendre ce qu’est l’homme dans sa nature profonde, certes on ne la changera pas, mais au moins pour ceux qui garderont les yeux et l’esprit ouverts nous saurons ce qu’il y a vraiment en face de nous !

      • Mardi 12 Janvier 2016 à 07:56

        ...et se connaître soi-même, Dan...

    3
    Lundi 11 Janvier 2016 à 17:45

    Bonsoir Eva,

    Les fléaux prennent de multiples formes et ne sévissent pas que dans les romans. Camus aurait eu pour véritable sujet la montée du nazisme. J'aime cette description d'absence d'avenir, de privation de liberté. Toutefois une phrase me gêne un peu "Nos concitoyens n'étaient pas plus coupables que d'autres" (dans Le Hussard sur le toit de Giono j'ai trouvé aussi que dans cette épidémie de choléra, il y avait une idée de sanction). Si le fléau est une idéologie, certes il faut tenter de combattre mais si c'est une maladie, de quoi est-on coupable ? Cela me renvoie à mon éducation religieuse et à cette notion que je ne pouvais supporter, que les épreuves nous élèvent  et qu'elles feront de nous toutes sortes de bienheureux !

      • Lundi 11 Janvier 2016 à 19:16

        Bonsoir Nicole, si Camus a visé spécialement la montée du nazisme dans ce roman, on peut étendre l'analogie à tous les totalitarismes politiques ou religieux. J'ai écrit volontairement en gras les termes principaux : fléaux, humanistes, et libres... Tout est contenu dans cet extrait et dans ces quelques mots. Dans un autre passage, le médecin Rieux dit que le fléau est dû en grande partie au manque d'hygiène de la population de certains quartiers. Dans le cas d'une maladie, "on"  est coupable d'un manque d'hygiène. Dans le cas d'une idéologie, "on" est coupable d'un manque de soins politiques à l'égard d'une partie de la population qui souffre d'être tenu à l'écart de la "vie de la cité". L'indifférence des nantis vis à vis des moins favorisés creuse le fossé de la ségrégation et favorise le rejet et la révolte haineuse. Effectivement, les épreuves ne font pas que des bienheureux...

        Les événements terribles de ces derniers temps, d'une rare violence m'ont ramenée directement au sujet du film "Lacombe Lucien" qui décrivait le résultat d'une grande frustration et d'une mise à l'écart d'un gamin...    

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