• La tourbe, "charbon des pauvres"

     

    La tourbe, "charbon des pauvres"

     

    Au hasard de mes archives photographiques familiales,  j'ai retrouvé cette photo de mon grand-père conduisant son cheval sur une tourbière du Pays de Bray. 

    La tourbe, "charbon du pauvre" a été longtemps utilisée comme combustible, faisant l'objet d'une exploitation souvent artisanale ou familiale. Conduit rationnellement, ce tourbage ne mettait pas trop en péril l'équilibre des tourbières. Une exploitation plus industrialisée, à des fins horticoles notamment, est actuellement plus préjudiciable aux tourbières, qui ne survivent généralement pas à une extraction trop intensive. En effet, en raison d'une croissance d'un millimètre par an (moins en altitude), l'exploitation d'une couche de 50 centimètres de tourbe équivaut à une évolution de l'ordre de cinq siècles. Un tel "rajeunissement" couplé à une extraction trop vaste, empêche toute régénération de la tourbière à l'inverse des bandes étroites qui caractérisait l'extraction traditionnelle. (On peut voir sur la photo la matérialisation précise de ces bandes étroites). 

    Les tourbières se forment sous climat frais et humide lorsque le sol, constamment gorgé d'eau, est privé d'oxygène. Dans ces conditions les végétaux se décomposent mal et s'accumulent pour former la tourbe. Celle-ci contient au moins 20% de carbone et peut s'accumuler sur plusieurs mètres d'épaisseur au rythme de 0,2 à 1 millimètre par an. A cette vitesse, il faut de 2 000 à 5 000 ans pour former une tourbière ! Dans le Pays de Bray, la présence quasi-permanente de l'eau et la nature argileuse du sol ont favorisé leur développement.

    Il y a au moins trois raisons de les protéger : les tourbières jouent un rôle dans le maintien de la biodiversité. On y trouve des espèces végétales et animales originales et spécifiques : 6% des espèces végétales menacées de disparition en France ne se développent que dans les tourbières. Elles peuvent avoir un intérêt dans l'épuration des eaux. Enfin, certaines tourbières ont un intérêt archéologique et géologique reconnu. En s'accumulant sur des milliers d'années, la tourbe peut avoir emprisonné des pollens "fossiles" qui nous renseignent sur l'évolution de la végétation et du climat. 

    Plus de la moitié des tourbières ont disparu au cours de ces 50 dernières années. Victimes du boisement, elles sont aussi menacées par le drainage et la multiplication de plans d'eau de loisir.

     

     

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  • Commentaires

    13
    Samedi 9 Avril 2016 à 14:02

    ces photos d'antan possèdent un vrai charme qui ne disparaitra pas parce qu'empreint de naturel et de simplicité!

    12
    Jeudi 7 Avril 2016 à 16:43

    Toujours très émouvant de retrouver ces vieilles photos ! j'adore !

    Merci Eva pour ce billet , je ne connais la tourbière que de nom !

    Je t'embrasse

    11
    Mercredi 6 Avril 2016 à 14:08

    Un bien intéressant article, mais je retiens surtout l'image du grand-père. Une génération pour laquelle j'ai un profond respect. Ces gens travaillaient dur dans des conditions souvent pénibles. Ils avaient connu la guerre, les privations. Ils ne prenaient pas de vacances.. ou si peu. Ils ne bénéficiaient pas du confort dans lequel nous vivons. Mon grand-père conduisait des locomotives à vapeur, comme Gabin dans la Bête Humaine. Plus personne n'accepterait ce travail à présent. Je pense que nous pouvons leur tirer notre chapeau.

    Incidemment, j'ai dû batailler avec des pubs envahissantes pour me frayer un chemin dans ton billet. Le sais-tu ??

      • Mercredi 6 Avril 2016 à 14:28

        Merci Jean-François. J'adorais mon grand-père, et il m'adorait aussi ! C'est la curiosité de découvrir à quoi il s'occupait sur la photo qui m'a menée à écrire ce billet. A propos de la pub intempestive, il n'y a pour le moment que ce remède : CE LIEN-LÀ   et je vais faire un billet pour en informer mes visiteurs

    10
    Mercredi 6 Avril 2016 à 11:12

    Un beau souvenir que de se replonger dans les photos anciennes de famille. La vien'était pas aussi facile que de nos jours mais on appréciait tout beaucoup mieux qu'aujourd'hui. Gros bisous chère Eva

    9
    Mercredi 6 Avril 2016 à 07:46
    Henri-Pierre

    Très intéressant "documentaire" et émouvant de par le souvenir familial.
    J'ajouterai que grâce à la tourbe de pays du nord on a retrouvé des restes humains de l'âge du fer parfaitement conservés.
    Tourbe, mémoire de l'humanité détruite par l'homme

      • Mercredi 6 Avril 2016 à 10:41

        L'homme a cette fâcheuse habitude de "détruire" en passant...

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    8
    Mardi 5 Avril 2016 à 02:55

    Chez moi il se racontait beaucoup d'histoires inquiétantes autour des tourbières dont une qui  a frappé durablement les esprits  : un attelage de boeufs avec chariot aurait été complétement absorbé par les sphaignes. Il est facile de s'égarer au milieu des tourbières. Maintenant beaucoup sont en cours d'assèchement. Bisous Eva, je vais rêver aux elfes de la nuit.

      • Mardi 5 Avril 2016 à 09:24

        Bonjour Myrto, il y a plusieurs sortes de tourbières, celle que tu évoques s'apparente aux tourbières marécageuses. Sur le net, les photos montrent bien ces sites périlleux. Ici, sur la photo, le sol était asséché. Personne dans ma région ne se chauffe plus à la tourbe ! C'est une photo très ancienne des années 1940. Bisous Myrto et merci pour la légende :-)

    7
    Lundi 4 Avril 2016 à 20:08

    Je connaissais bien-sur l'utilité tes tourbières comme combustible, mais pas toute cette histoire s'y rattachant. Intéressant .

      • Mardi 5 Avril 2016 à 09:27

        Les associations écologiques du Pays de Bray défendent bien sûr la protection des tourbières et des zones humides en général, avec la faune et la flore s'y rattachant...

    6
    DAN
    Lundi 4 Avril 2016 à 19:18

    Personnellement je ne connais que la tourbière de Baupte dans le Cotentin. J'ai passé beaucoup de temps à photographier les oiseaux de cette contrée venus ici pour nichés, voici ce qu'en dit Cargill :

    A Baupte, l’arrêt de l’extraction de la tourbe, utilisée comme combustible de chauffage puis pour faire fonctionner l’usine, a permis à un lac artificiel et à une abondante végétation de se développer. Cet ensemble naturel unique attire une multitude d’oiseaux d’eau, dont des espèces inconnues jusqu’ici en terres normandes : spatule blanche, balbuzard pêcheur ou nette rousse. Cargill, qui s’est beaucoup investi pour accompagner cette reconquête de la nature, travaille aujourd’hui en partenariat avec des associations, des scientifiques et les collectivités locales pour faire de ce lieu magique une réserve naturelle accessible à tous.

    Le site de Baupte a commencé ses activités en 1941 par la production de briquettes de tourbe. Le charbon venant à manquer pendant la seconde guerre mondiale, la tourbe est alors utilisée pour se chauffer.

    La tourbière, qui a accumulé un millimètre de dépôt de tourbe par an pendant 10 000 ans, depuis les dernières glaciations du quartenaire, est ainsi utilisée pour produire vapeur et électricité. En 1947, le chantier se développe déjà sur près de 400 hectares sur le marais de Gorges. Mais au début des années 50, le charbon remplace la tourbe dans les fourneaux. La demande diminue. La production de briquettes s’arrête.

    Jusqu’à 1995, la seule tourbière a suffi à l’ensemble du site de Baupte pour sa consommation énergétique. A la fin de son exploitation, le bassin, créé pour l’extraction de la tourbe, se remplit au fur et à mesure des eaux de pluie du Cotentin. C’est ainsi qu’en 2004, un lac artificiel de 480 hectares a pris la place de l’ancienne tourbière. Cette eau accueille vite une végétation riche en minéraux grâce à son lit de tourbe. Une multitude d’oiseaux d’eau se presse alors pour faire leur nid à Baupte, parmi eux se trouvent des espèces rares, inconnues en terres normandes. Le Groupe Ornithologue Normand (GON) s’intéresse de plus en plus à cette curiosité de la nature qui reprend ses pleins pouvoirs sur un site exploité industriellement depuis des années.

    En effet, en périodes de migration, la tourbière de Baupte joue un rôle important pour l’avifaune puisque le GON y a recensé près de 9 300 oiseaux lors d’un seul comptage hebdomadaire. On y trouve notamment la spatule blanche, le chevalier sylvain, le balbuzard pêcheur ou encore la guifette moustac. Des espèces rares comme la nette rousse (moins de 250 couples en France) et la mouette rieuse ravissent les amateurs d’oiseaux.

    Ces terres appartenant à Cargill représentent un attrait particulier pour toute la région. Devant une telle beauté, l’intérêt de préserver le site et de le transformer en réserve naturelle a rapidement fait consensus. Ainsi dans le cadre d’un arrêté préfectoral, nous nous sommes engagés à laisser place nette en 2026. Pour ce faire, nous avons mis en place un processus de réhabilitation de l’ancien site industriel.

    De plus, par cet accord a été créé un comité de suivi scientifique relatif aux orientations de réaménagement et de la gestion de la tourbière, sous la présidence du Préfet. Ce comité est composé des maires des communes propriétaires du terrain, des représentants des différentes administrations, de représentants d’organismes scientifiques et d’un représentant de Cargill.

    Ce comité est soutenu dans sa démarche par une mission scientifique, dont le principal objectif est la réorientation de la remise en état écologique de la tourbière. Cette mission scientifique est composée d’un représentant du GON, de la DIREN, de la Fédération des chasseurs de la Manche, du parc naturel régional du Cotentin, du Conservatoire Botanique National de Brest, de l’université de Rennes, de la DRIRE Basse Normandie, de la Réserve naturelle du domaine de Beauguillot, du Comité Scientifique Régional du Patrimoine Naturel et de l’Office National de la Chasse et de la Faune.

    L’histoire de la tourbière de Baupte constitue un exemple de partenariat réussi entre une entreprise industrielle, des associations et les collectivités locales pour la réhabilitation écologique d’un lieu naturel d’exception.

     

      • Mardi 5 Avril 2016 à 09:20

        Bonjour Dan, cette photo a été prise en Pays de Bray. Ce n'est pas une photo prise dans un lieu d'extraction industrielle. Elle a juste attiré mon attention et j'ai cherché les renseignements à ce lien http://ct83.espaces-naturels.fr/les-tourbieres  Elle est typique de l'utilisation de la tourbe en tant que "charbon du pauvre"

        Le site que tu évoques ici est bien particulier. Merci de ta recherche. Bon mardi smile 

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