-
Le mort joyeux
Dans une terre grasse et pleine d'escargots,
Je veux creuser moi-même une fosse profonde,
Où je puisse à loisir étaler mes vieux os,
Et dormir dans l'oubli comme un requin dans l'onde.
Je hais les testaments et je hais les tombeaux,
Plutôt que d'implorer une larme du monde,
Vivant, j'aimerais mieux inviter les corbeaux
A saigner tous les bouts de ma carcasse immonde.
O vers ! noirs compagnons sans oreille et sans yeux,
Voyez venir à vous un mort libre et joyeux ;
Philosophes viveurs, fils de la pourriture,
A travers ma ruine allez donc sans remords,
Et dites-moi s'il est encor quelque torture
Pour ce vieux corps sans âme et mort parmi les morts !
Charles Baudelaire (Les Fleurs du Mal)
photo eva baila ©
(Marrakech, jardin des tombeaux saadiens)
Tags : poésie, photo, Marrakech
-
Commentaires
très beau texte Eva !Même chose pour moi ! La charogne... J'avais 15 ans... Dans le nouvel obs de cette semaine, Solers traite Baudelaire de "dépravé" ! (Dans le même sac que Flaubert ) Je n'ai toujours pas compris si c'était de l'humour ou autre chose... Pauvre Solers !
L'entrée en matière est pleine de grâce comme la suite. J'adore ce que nous inflige Baudelaire, il ne nous ménage pas mais je l'apprécie tellement. Souvenez-vous l'objet que nous vîmes mon âme, ce beau matin d'été si doux, sur le bord d'un sentier une charogne infâme etc. les jambes en l'air etc. La découverte de ce poème, il y a bien longtemps, fut un choc, une émotion très forte.
A plus tard Eva.Alors je m'absente trois jours et tu en profites pour aller dans des endroits que j'aime beaucoup, bravo, quels voyages !Merci de votre passage Claude... (un rendez-vous dans un cimetière en quelque sorte !)
Amitiés. evaMerci de nous faire partager cette superbe philosophie de Maître Baudelaire. Amitiés.Eva, J'aime bien ton humour. Tant qu'à faire autant en rire (jaune) avant d'y passer... Ca me rappelle la chanson de Brassens : Supplique pour être enterré sur la plage de Sète: " J'en demande pardon, par avance à Jésus, si l'ombre de ma croix s'y couche un peu dessus, pour un petit bonheur posthume..."
Ajouter un commentaire
Ah Baudelaire Mario ! Baudelaire ! Connais-tu ce jardin des tombeaux saadiens ?