• Paul Eluard, derniers poèmes d'amour.

     

    J’ai regardé devant moi

    Dans la foule je t'ai vue

    Parmi les blés je t'ai vue

    Sous un arbre je t'ai vue

     

    Au bout de tous mes voyages

    Au fond de tous mes tourments

    Au tournant de tous les rires

    Sortant de l'eau et du feu

     

    L'été l'hiver je t'ai vue

    Dans ma maison je t'ai vue

    Entre mes bras je t'ai vue

    Dans mes rêves je t'ai vue

    Je ne te quitterai plus.

     

    Paul Eluard.


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  • Un jour
    et c'est déjà hier
    sur la plateforme de l'autobus
    je regardais les femmes
    qui descendaient la rue d'Amsterdam
    Soudain à travers la vitre du bus
    j'en découvris une
    que je n'avais pas vue monter
    Assise et seule elle semblait sourire
    A l'instant même elle me plût énormément
    mais au même instant
    je m'aperçus que c'était la mienne
    J'étais content.

                             Jacques Prévert
                                         (Histoires)


    photos Etretat 1970 eva baila © 2008

    Mon amour, mon amour, je n'ai rien oublié de ce que tu m'as donné... 


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  •  

    C'était la plus belle... (Charles Cros)

     

    J'ai consulté tous les devins,

    Ils m'ont tous dit : "c'est la plus belle !"

    Et depuis, j'ai bu tous les vins

    Contre la mémoire rebelle.

     

    Oh ! ses cheveux livrés au vent !

    Ses yeux, crépuscule d'automne !

    Sa parole qu'encore souvent

    J'entends dans la nuit monotone.

     

    C'était la plus belle à jamais,

    Parmi les filles de la terre...

    Et je l'aimais, Oh ! je l'aimais

    Tant, que ma bouche doit se taire...

     

    Charles Cros.

     


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  • La femme adultère.

    Je la pris près de la rivière,                                              
    Car je la croyais sans mari

    Tandis qu’elle était adultère.

    Ce fut la Saint-Jacques, la nuit,                                        Ses cuisses s'enfuyaient sous moi

    Par rendez-vous et compromis,                                           Comme des truites effrayées 

    Quand s’éteignirent les lumières                                        Une moitié toute embrasée,

    Et s’allumèrent les cricris.                                                 L'autre moitié pleine de froid.

    Au coin des dernières enceintes,                                       Cette nuit me vit galoper

    Je touchai ses seins endormis ;                                          De ma plus belle chevauchée,

    Sa poitrine pour moi s’ouvrit                                              Sur une pouliche nacrée,

    Comme des branches de jacinthes.                                     Sans brides et dans étriers.

    Et dans mes oreilles l’empois                                              Je suis un homme , et ne peux redire

    De ses jupes amidonnées                                                    Les choses qu'elle me disait :

    Crissait comme soie arrachée                                             Le clair entendement m'inspire
    Par douze couteaux à la fois.                                             De me montrer fort circonspect.  
    Les cimes d’arbres sans lumière                                         Sale de baisers et de sable,

    Grandissaient au bord des chemins                                    Du bord de l'eau je la sortis ;

    Et tout un horizon de chiens                                              Les iris balançaient leurs sabres

    Aboyait loin de la rivière.                                                  Contre les brises de la nuit.

    Quand nous avons franchi les ronces                                 Pour agir en pleine droiture

    Les épines et les ajoncs,                                                    Comme fait un loyal Gitan,

    Sous elle son chignon s’enfonce                                         Je lui fis don, en la quittant,

    Et fait un trou dans le limon.                                              D'un beau panier à couture,

    Quand ma cravate fut ôtée,                                               Mais sans vouloir en être épris :

    Elle retira ses jupons,                                                        Parce qu'elle était adultère

    Puis (quand j’ôtai mon ceinturon)                                        Et se prétendait sans mari

    Quatre corsages d’affilée.                                                 Quand nous allions vers la rivière.
    Ni le nard, ni les escargots

    N’eurent jamais la peau si fine,                                          Federico Garcia Lorca

    Ni, sous la lune, les cristaux                                              (Traduit par Jean Prevost)

    N’ont de lueurs si cristallines.                                             


     


    photos eva baila © 


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