• "Ce sont les lapins qui ont été étonnés !... Depuis si longtemps qu'ils voyaient la porte du moulin fermée, les murs et la plate-forme envahis par les herbes, ils avaient fini par croire que la race des meuniers était éteinte, et, trouvant la place bonne, ils en avaient fait quelque chose comme un quartier général, un centre d'opérations stratégiques : le moulin de Jemmapes des lapins... La nuit de mon arrivée, il y en avait bien, sans mentir, une vingtaine assis en rond, sur la plate-forme, en train de se chauffer les pattes à un rayon de lune... Le temps d'entr'ouvrir une lucarne, frrt ! voilà le bivouac en déroute, et tous ces petits derrières blancs qui détalent, la queue en l'air, dans le fourré. J'espère bien qu'ils reviendront..."

    Lettres de mon Moulin (extrait) Alphonse Daudet.


    photos eva ©

    11 commentaires


  • Le sultan Schahriar, fâché par l'infidélité de son épouse, la fit mettre à mort, et décida d'assassiner chaque matin la femme séduite la veille.

     

    Shéhérazade, la fille du grand vizir, désignée comme prochaine épouse, se mit à raconter chaque nuit au Sultan une histoire dont la suite serait contée le lendemain. Le sultan ne put se résoudre alors à tuer la jeune femme ; il reportait l'exécution de jour en jour afin de connaître la suite du récit commencé la veille. Au fil du temps, Shéhérazade gagnait la confiance de son mari et finalement au bout de mille et une nuits, celui-ci tomba fou amoureux d’elle et renonça à la tuer.

     

    Shéhérazade n’était pas la plus jeune, ni la plus belle, mais elle connaissait le pouvoir des mots et savait en user…Jour après jour, nuit après nuit, elle charma le Sultan, le tint en haleine, et fit en sorte qu’il ne pourrait plus jamais prendre dans ses bras une autre femme sans être harcelé par le souvenir magique de Shéhérazade. Elle était si vive, si captivante, et si lumineuse, qu’il n’envisageait plus une seule nuit sans elle… Tout le jour il attendait la suite du conte, mais pas seulement… tout le jour, il attendait le visage de la belle, ses mains comme des oiseaux, sa voix comme une musique, et son corps comme un alcool fort… Toute la personne de Shéhérazade était une drogue mystérieuse, subtile et douce, dont il ne pourrait plus jamais se passer…



    « …hier la princesse Badroulboudour, fille du sultan, alla au bain l’après-dîner. J’appris cette nouvelle en me promenant par la ville. On publia un ordre de fermer les boutiques et de se retirer chacun chez soi, pour rendre à cette princesse l’honneur qui lui est dû, et lui laisser le chemin libre dans les rues par où elle devait passer.

    Comme je n’étais pas éloigné du bain, la curiosité de la voir le visage découvert me fit naître la pensée d’aller me placer derrière la porte du bain, en faisant réflexion qu’il pouvait arriver qu’elle ôterait son voile quand elle serait prête d’y entrer. Vous savez la disposition de la porte, et vous pouvez juger vous-même que je devais la voir à mon aise si ce que je m’étais imaginé arrivait. En effet, elle ôta son voile en entrant, et j’eus le bonheur de voir cette aimable princesse avec la plus grande satisfaction du monde.

    Voilà, ma mère, le grand motif de l’état où vous me vîtes hier quand je rentrai, et le sujet du silence que j’ai gardé jusqu’à présent. J’aime la princesse d’un amour dont la violence est telle que je ne saurais vous l’exprimer ; et comme ma passion vive et ardente augmente à tout moment, je sens qu’elle ne peut être satisfaite que par la possession de l’aimable princesse Badroulboudour, ce qui fait que j’ai pris la résolution de la faire demander en mariage au sultan. »

                                                                                      (Extrait de la Lampe merveilleuse)



    photos eva ©


    22 commentaires




  • "Regarde le soir comme si le jour y devait mourir, et le matin comme si toute chose y naissait"

                                                                                                                    André Gide (Les Nourritures terrestres)




    photos eva ©

    14 commentaires


  • "Mobilité des flots, c'est vous qui fîtes si chancelante ma pensée ! Tu ne bâtiras rien sur la vague. Elle s'échappe sous chaque poids.
     Le doux port viendra-t-il, après ces décourageantes dérives, ces errements de-ci, de-là ? où mon âme enfin reposée, sur une solide jetée près du phare tournant, regardera la mer."        
                                                                                                                       André Gide (Les nourritures terrestres)

    photo eva ©

    21 commentaires


    Suivre le flux RSS des articles de cette rubrique
    Suivre le flux RSS des commentaires de cette rubrique