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Parce que c'était lui, parce que c'était moi...
Si on me presse de dire pourquoi je l'aimais, je sens que cela ne peut s'exprimer, qu'en répondant : "Parce que c'était lui, parce que c'était moi"
Il y a au-delà de tout mon discours, et de ce que j'en puis dire particulièrement, je ne sais quelle force inexplicable et fatale, médiatrice de cette union. Nous nous cherchions avant de nous être vus, et par des rapports que nous oyions l'un de l'autre, qui faisaient en notre affection plus d'effort que ne porte la raison des rapports, je crois par quelque ordonnance du ciel ; nous nous embrassions par nos noms.
[...] Ce n'est pas une spéciale considération, ni deux, ni trois, ni quatre, ni mille ; c'est je ne sais quelle quintessence de tout ce mélange, qui, ayant saisi toute ma volonté, l'amena se plonger et se perdre dans la sienne ; qui, ayant saisi toute sa volonté, l'amena se plonger et se perdre en la mienne, d'une faim, d'une concurrence pareille.
Les Essais (Livre 1er, chapitre XXVIII - Montaigne)
Photo eva : Hôtel La Boétie à Sarlat
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Commentaires
Miracle de l'amour. Il ne s'explique pas, il est.C'est probablement le passage le plus connu des Essais. Le plus beau aussi. Brassens y fait allusion dans "les Copains d'abord" ! Du peu qu'on m'a fait lire de Montaigne au lycée, je n'ai retenu que cet extrait ! Alors, tu vois, puisque tu l'as lu ici, on est pareil ! Bonne soirée Louis-Paul, bises
Confidence Eva je n'ai jamais lu Montaigne; j'apprécie cet extrait, et je sais qu'il te parle au plus profond de ton coeur. Je t'embrasse.tu as raison Danae ! et heureusement que ça n'arrive pas tous les jours, ni à tout le monde ! Bises et bonne fin de journée à toi !
parce que on etait en mode AmourL'amour fou, cela ne s'explique pas ! Mais cela n'arrive pas tous les jours !!! Bisous chère EvaIl y a une certaine continuité, oui... Il n'y a que peu de hasard et l'amour fou n'est fou que parce qu'il était inévitable, prédestiné, surréaliste aussi... Il n'y a pas de regret à avoir... "vertige" surréaliste, "coup de grisou" et "à tout jamais loin l'un de l'autre et pourtant tellement près" et même Leiris en témoigne qui écrivait "un rapport plus intime que tout espèce de lien charnel s'établissait entre elle et moi"...
De " cris " "la poésie surréaliste c'est vous ", à Françoise Hardy "Pourquoi vous"( si délicat ) ?, et Montaigne- La Boétie, tu suis ton idée Eva, et c'est beau. Heureusement qu'il y a du flou cela laisse de la place au fou en nous.
Douce journée.dans le cas présent Montaigne a voulu exprimer clairement la fatalité, le fusionnel, l'ineffable d'un sentiment rare...
les deux premières phrases se suffisent à elle même, beaucoup plus légères et digestes que la suite ! :-)
bonne fin de semaine !Il est des fois où les sentiments quels qu'ils soient, sont difficilement exprimables !
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"nous nous embrassions par nos noms"... Un sentiment aussi fort ne peut pas disparaître même après la mort... Il n'est pas imaginable que quelque chose de ces deux-là ne subsiste pas dans les lieux où ils sont passés ensemble, et même dans ceux qu'ils avaient imaginé visiter...