• "Planter des sources" avec Sebastião et Lelia Salgado.

     

     

    "Il n’y a qu’une seule Humanité et qu’une Terre ». Ce que dit le philosphe Edmund Husserl, Sebastião Salgado l’illustre à la perfection par une vie de photographies.

    En juillet 2008, le magazine Géo consacrait un article, non pas au photographe Sebastião Salgado mais au projet pharaonique entrepris avec son épouse Lélia Wanick Salgado : replanter la forêt primaire mata atlântica sur le domaine légué par son père dans la province de Minas Gerais au Brésil.

    Est sorti fin 2014 "Le Sel de la Terre" un film réalisé par Wim Wenders et Juliano Ribeiro Salgado (fils aîné du couple), véritable coup de projecteur sur une vie hors du commun et un couple exemplaire.

    Né en février 1944 à Aimorés (Minas Gerais) dans une ferme située au milieu de la forêt tropicale, Sebastião Salgado grandit en pleine nature, dans la forêt, parmi les animaux… et 7 sœurs. 35 familles travaillaient et vivaient là en autarcie tout en élevant du bétail. Chaque année, il fallait mener les bêtes à l’abattoir, Sebastião chevauchait alors 45 jours avec les vachers puis il fallait 20 jours pour rentrer ; et pour les porcs, le transport se faisait à pied car il n’y avait ni routes, ni camions ! De la ville, on ne rapportait presque que le tissu (sa mère cousait les vêtements).

    A l’âge de 15 ans, il part à la ville pour y poursuivre des études d’économie. A ce moment-là, le Brésil commence à connaître son développement économique et industriel et devant ce phénomène Sebastião Salgado s’implique dans des mouvements radicaux de gauche. Après le coup d’état, la situation devient de plus en plus compliquée, ce qui le pousse à quitter le pays avec son épouse Lélia Wanick Salgado.

    Le couple pose alors ses valises à Paris en août 1969. Lui poursuit ses études tandis que Lélia étudie l’architecture, raison pour laquelle elle achète un appareil photo. Et là – c’est c’est le cas de le dire, il a le déclic !

    Très éprouvé par la violence des relations interhumaines et celle entre les hommes et l’environnement dont il est témoin en Éthiopie, au Sahel, au Rwanda mais aussi en ex-Yougoslavie, aux portes de l’Europe, Sebastião ne croit plus en l’Humanité.

    "Ce que j’ai pu voir tout au long de ma vie c’est cette incroyable relation entre la dégradation humaine et la dégradation de l’environnement. Elles sont complètement liées. Après de nombreuses années de voyage pendant lesquelles j’ai vu le malheur, j’ai commencé à perdre confiance et j’ai cru que l’espèce humaine fonçait droit dans le mur. A cause du fait que nous sommes des êtres rationnels, nous oublions que nous sommes des animaux, que nous faisons partie de la nature. Cette dichotomie des humains, l’éloignement du fait que nous sommes réellement nature et que nous faisons partie de la planète, a créé une grande complication pour les hommes."

    En plein doute, Sebastião Salgado se demande quel sens donner à sa vie.

    Au même moment, le couple hérite de la propriété familiale, laquelle, à force de déforestation et de piétinement par le bétail, est devenue une terre de désolation. Lélia a alors une idée : faire renaître la forêt primaire et ressusciter ainsi le paradis qu’a connu Sebastião dans son enfance. Dans les années 40, plus de 70% de la région était recouverte de végétation et d’arbres de la forêt atlantique. Début 2000, il n’en restait que 0,5% !

    C’est un projet fou qui consiste à planter 2,5 millions d’arbres. Alors ensemble, ils créent Instituto Terra et frappent à toutes les portes au Brésil, aux États-Unis, en Europe pour récolter des fonds, organisent des ventes aux enchères et se font aider par l’industrie minière brésilienne qui détient des plants.

    Il faut tout apprendre car c’est près de 300 espèces qu’il faut replanter. Les trois premières années, c’est respectivement 80%, 60% et 40% des plants qui sont perdus. Mais le couple ne se décourage pas… 

    "Sous les tropiques, tout pousse vite. Le paysage s’est mis à reverdir. Des perroquets, des ­jaguars, des espèces animales qu’on croyait éteintes ont réapparu. Je voyais renaî­tre le paradis de mon enfance, et la vie est revenue en moi. C’est alors que le projet de Genesis, sur la splendeur de la nature, a commencé à ­germer. Il me faudrait huit années pour le mener à bien, en 4×4, à pied, en montgolfière, en convois de mules… dans les sanctuaires les plus inaccessibles de la planète."

    Sebastião Salgado reprend donc goût à la photographie et le couple se lance dans un nouveau grand projet ; cette fois-ci sur le thème de notre planète, la nature, et ce qu’il en reste encore, malgré les destructions causées par les activités humaines.

    Plutôt que de se montrer alarmiste, il fait le choix de montrer la beauté et la grandeur des endroits encore préservés, les paysages, la vie animale, et bien entendu les communautés humaines qui continuent à vivre selon de très anciennes cultures et traditions.

    Il s’agit de voir, de s’émerveiller et de comprendre la nécessité de préserver tout cela ; et enfin, d’inspirer à l’action pour cette préservation.

    "Si l'humanité veut survivre, elle doit protéger la nature. C'est sans doute banal à dire, mais avec Lélia, on a continué d'agir. Avec Instituto Terra, on a élargi notre projet de reboisement à toute la vallée du rio Dulce, qui a la taille du Portugal ! Le fleuve qui la traverse est condamné par l'extinction progressive des 250 000 sources faute d'arbres. Avec leurs branches, leurs racines, ceux-ci jouent un rôle de rétention, de réservoir d'humidité, de régulateur. Sans eux, pas de sources". Car si on ne fait rien, le fleuve sera sec en 2038 ! Notre plan prévoit la plantation de 70 millions d'arbres. On a commencé et on va y arriver !"

     

     Source : Lelia et Sebastião Salgado, un couple hors norme

    « Saint Avit et Bernard Palissy.Osvaldo Licini (1894 - 1958) »

  • Commentaires

    12
    Mercredi 9 Janvier 2019 à 18:06

    J'y adhère à ce point de vue tout en espérant que ce n'est pas simplement un voeu pieux...

    Bonne fin de journée chal-heureuse!

      • Jeudi 10 Janvier 2019 à 00:16

        De la part de ces deux-là ce n'est pas "un voeu pieux"... ils sont en pleine action, en pleine réalisation de reboisement d'un domaine grand comme le Portugal... Mais pour certains grands pollueurs, certains prédateurs, il ne faut pas espérer grand chose de bon... Bonne nuit Thami

    11
    Jean-François
    Mardi 8 Janvier 2019 à 18:54

    C'est formidable ce que font les Salgado, de même que l'action d'un Yann Arthus-Bertrand est remarquable, mais il en faudrait des centaines comme eux et je n'arrive pas à être optimiste quant au devenir de notre planète. J'ai vu au Brésil la noria incessante des camions de soja dans un paysage de désolation. En Asie du Sud-Est, les champs de palmiers à huile s'étendent à l'infini et je ne pense pas que l'Amazonie a beaucoup à attendre du nouveau président brésilien. La croissance de la population mondiale est exponentielle et il faudra bien nourrir tout le monde. L'exploitation des métaux rares, toujours plus nécessaires aux nouvelles technologies engendre misère et désastres écologiques un peu partout dans le monde. Des esprits éclairés s'élèvent contre tout cela mais l'homme reste un loup pour l'homme. Le berger éthiopien ou somalien qui garde ses troupeaux la kalachnikov à la main en sait quelque chose. Alors, profitons encore des beautés de la nature sauvage… tant qu'il y a des éléphants en Afrique, des jaguars en Amazonie et des orang-outang dans la jungle de Bornéo … 

      • Mercredi 9 Janvier 2019 à 08:42

        oh, tu sais, moi je suis une pessimiste irréductible !... Réparer les dégâts en cours revient à freiner dans une voiture qui a déjà quitté la falaise... Non, ce qui m'a séduite chez ces deux-là, c'est leur beauté d'âme, leur aptitude à mettre en oeuvre leur Utopie... Malgré tout, envers et contre tout... Et puis les photos... merveilleuses, somptueuses... Et... leur amour de la vie... voilà, cet amour-là IRRADIE ! 

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    10
    Mardi 8 Janvier 2019 à 18:48

    La vie de Sébastio Salgado fait rêver  car en homme libre il a su dépasser sa vision pour la rendre concrète. La vie est un noble combat et ce philosophe l'a bien comprit. Que ton année 2019 soit radieuse et combative avec de la joie à chaque instant Eva.

      • Mercredi 9 Janvier 2019 à 08:35

        "dépasser sa vision pour la rendre concrète"... Cela nécessite une énergie et une espérance dont peu d'êtres sont capables... En symbiose avec la Nature, son amour pour elle est force de vie... Admirable !

        Pour toi aussi Jerry, bonne année !

    9
    Mardi 8 Janvier 2019 à 10:40

    Je pense à " l'homme qui plantait des arbres" de Jean Giono

    ici pour écouter

      • Mardi 8 Janvier 2019 à 11:02

        On peut dire que l'histoire de Sebastião et Lelia ressemble à un conte...

    8
    Lundi 7 Janvier 2019 à 22:53

    Des heures et des heures magiques passées à regarder ses photos dans les expos, en plus du film. Quelquefois, les Hommes nous réconcilient avec eux.
    Je t'embrasse.

      • Mardi 8 Janvier 2019 à 08:24

        ah oui Nikole !... il faut dire que ces deux-là sont exceptionnellement beaux et efficaces ! Je t'embrasse aussi !

    7
    Lundi 7 Janvier 2019 à 18:21

    Pour 100 géants qui détricotent, il en est 1 qui reprend tout : le sel de la Terre, la pincée de levain...

     

      • Lundi 7 Janvier 2019 à 19:02

        Oui, mais quel talent, quelle Lumière !.. quel humanisme ! j'en tremble de bonheur...

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