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Poème pour une Algérie heureuse (Assia Djebar)
Neiges dans le Djurdjura
Pièges d'alouette à Tikjda
Des olivettes aux Ouadhias
On me fouette à Azazga
Un chevreau court sur la Hodna
Des chevaux fuient de Mechria
Un chameau rêve à Ghardaïa
Et mes sanglots à Djemila
Le grillon chante à Mansourah
Un faucon vole sur Mascara
Tisons ardents à Bou-Hanifia
Pas de pardon aux Kelaa
Des sycomores à Tipaza
Une hyène sort à Mazouna
Le bourreau dort à Miliana
Bientôt ma mort à Zemoura
Une brebis à Nedroma
Et un ami tout près d'Oudja
Des cris de nuit à Maghnia
Mon agonie à Saïda
La corde au cou à Frenda
Sur les genoux à Oued-Fodda
Dans les cailloux de Djelfa
La proie des loups à M'sila
Beauté des jasmins à Kolea
Roses de jardins de Blida
Sur le chemin de Mouzaïa
Je meurs de faim à Medea
Un ruisseau sec à Chellela
Sombre fléau à Medjana
Une gorgée d'eau à Bou-Saada
Et mon tombeau au Sahara
Puis c'est l'alarme à Tebessa
Les yeux sans larmes à Mila
Quel vacarme à Aïn-Sefra
On prend les armes à Guelma
L'éclat du jour à Khenchla
Un attentat à Biskra
Des soldats au Nementcha
Dernier combat à Batna
Neiges dans le Djurdjura
Pièges d'alouette à Tikjda
Des olivettes aux Ouadhias
Un air de fête au coeur d'El Djazira.
Assia Djebar de l'Academie Francaise
"J'écris comme tant d'autres femmes algériennes avec un sentiment d'urgence, contre la régression et la misogynie. "
photos wikipedia : n°1 : Vue de la Grande Kabylie depuis les cimes du Djurdjura (auteur Yelles)
photo n°2 : Vue d'Aïn-Sefra (auteur Denis Dagget)
Tags : poésie, Algérie
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Commentaires
Un billet important Eva, dédié à un pays merveilleux comme l'Algérie. Merci de nous offrir ce poème si fort, doux et profond de Assia Djebar. J'en suis touché.
J'apprécie et je bois avidement les "mot-lumière" de Bachir!
PS. Les femmes quoi que l'on dise, sont les pilastres de la société, sans les quels tout s'écroulerait, depuis toujours, et quand même….
@Photoem : La citation est extraite de son roman "L'amour, la fantasia" dont le premier chapitre intitulé FILLETTE ARABE ALLANT POUR LA PREMIERE FOIS A L'ECOLE, et qui commence ainsi :
"Dès le premier jour où une fillette "sort" pour apprendre l'alphabet, les voisins prennent le regard matois de ceux qui s'apitoient, dix ou quinze ans à l'avance : sur le père audacieux, sur le frère inconséquent. Le malheur fondra immanquablement sur eux. Toute vierge savante saura écrire, écrira à coup sûr "la" lettre. Viendra l'heure pour elle où l'amour qui s'écrit est plus dangereux que l'amour séquestré."
Pour les femmes du Maghreb de cette génération, l'amour, celui du corps n'est jamais nommé. Dans la société maghrébine traditionnelle, l'homme ne nomme jamais son épouse. Djebar exprime, entre autres choses, dans ce livre, combien ECRIRE est important pour les femmes qu'elles représentent :"Si elle sait écrire, sa voix en dépit du silence, circule"... circule contre l'obscurantisme et l'ignorance
Eva,
Les petits dièses lumineux éparpillés au milieu de l’obscurantisme et de l'ignorance vont ils s'éteindre ? Assia Djebar n'y croyait elle plus ?
Merci pour cet échange.
@ Photoem : en fait, c'est une citation d'Aragon (sortie de son contexte) qui a inspiré la chanson de Jean Ferrat... on peut mettre un bémol à cette citation quand on sait qu'Aragon était sous l'emprise de la Triolet (l'exclusive ! la gardienne du temple !). Cependant, dans le cas précis, tu as raison : la femme est l'avenir du Maghreb, la femme est l'avenir de l'Afrique toute entière... C'est par elle que le glacier de la modernité avance lentement mais inexorablement... En ce qui concerne l'Occident, bémol aussi : je ne suis pas certaine que la femme soit l'avenir de nos sociétés : elle qui ne veut plus enfanter, ou bien qui l'exige à n'importe quel prix... Elle qui fume, qui boit, et délaisse le foyer, plus que de raison... Mais, bon, je sens que je vais me faire étriller par certain(e)s... Merci d'être passé Piero :-)
Bonjour Eva, tu as raison de faire ressurgir ce poème de cette femme qui vient de disparaître. Je te souhaite une bonne semaine. Bises ma belle
Bonjour Eva,
En apprenant cela, c'est le poème d'Aragon chanté par Jean Ferrat qui s'est mis à tourner dans ma tête. Association d'idées incontrôlées ?
Pour moi Alger est la terre d'une partie de mes ancêtres (enfin à partir de 1830 !), un oncle qui soignait et aimait ses patients les arabes , mes virées dans le sahara si beau et sublime et maintenant mes regrets de ce qu'il est devenu, une terre d'asile pour les terroristes !Bises ma chère EvaParenté entre mes paysages d'ici et ce vaste panorama baignant dans ces belles paroles.
Je quitte Marrakech dans deux heuresEnvie de dire à Bachir, je n'ai rien oublié...
C'était un printemps 1952, j'avais 8 ans , et je découvrais l'Algérie pour la première fois, c'était à Souk- Haras, après, les balades ont continuées, Alger, Blida, Biskra et les gorges d'El Kantara, Bone, la dernière balade, l'immense plage d'Annaba...oui, Bachir, l'Algérie est très belle !
Bises EvaTes mots, Bachir, sont toujours les très bienvenus... Un blog est un lieu d'échange, je ne fais pas le blog que pour moi... Et puis, toi, c'est un peu l'air du large... C'est toi qui donne la saveur et le parfum à tous ces noms cités par Assia Djebar... Visiter l'Algérie, j'en rêve ! Ce n'est pas faute d'oser, non, mais dans la vie, on ne fait pas toujours ce qu'on veut ! En attendant, je voyage par l'imagination. Ne me parle plus jamais de tes lourdeurs terrestres... toi qui a les mots plus légers que le vent du Désert... Je n'ai pas oublié comme tes mots chantaient lorsque tu étais heureux... Merci de venir souvent, et merci de le dire quelquefois!
Douce nuit Poète de l'Algérie
Oui, c'est un peu ça l'Algérie. on ne vit que sur 20% du territoire. Le reste, une terre vierge, une mer vierge, un ciel qu'on oublie de regarder...il y en a de tout. Celui qui la visite n'aura pas les mots pour tout exprimer, il retournera chez lui...autre. je te remercie Eva de me tirer à chaque fois des mes petites stupidités et m'inviter à ce monde de beauté et de rêve. Ne dis pas "Source, je ne boirai jamais de ton eau". Tu visiteras l'Algérie inchallah, il faut tout simplement oser. Enfin, je n'ai pas oublié ton blog, je passe à chaque fois dans ton paradis, en silence, sur la pointe des pieds pour ne pas éveiller les anges et les agacer de mes lourdeurs terrestres. Ne pas déranger les autres est déjà un petit bout de bonheur pour moi. Merci Eva!!!!!oui Noëlle ! Je me suis amusée à chercher tous ces noms sur une carte et je voulais la mettre en dessous du poème, mais la carte (wikipedia) était trop petite, elle n'est pas très lisible... Dommage ! Bises Noëlle, bon lundi.
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@Francesco : "et quand même..." oui, quand même, qu'elles n'oublient jamais, au nom de leurs droits des femmes, leurs devoirs, obligations de piliers de la famille...