• Istanbul

     

     

        Celui qui pénètre dans la Mosquée Bleue, est l’objet d’un enchantement, d’un ravissement au double sens du terme : il est émerveillé, saisi, et emporté ailleurs, par la lumière bleue et dorée. Son regard est porté au plus haut du dôme et malgré lui, il veut tout embrasser des yeux. Quand il essaie d’atteindre un autre point de lumière colorée, pour la seule raison que l’œil est attiré inexorablement par un rayonnement turquoise, il faut quitter la zone lavande ou lapis-lazuli : alors le visiteur se déplace en se cognant contre des piliers somptueusement décorés de guirlandes de feuillages,bourgeons, tulipes, roses, jacinthes, œillets, fleurs de grenade, et grappes de raisins,foisonnant dans la féerie des  faïences d’Iznik. Enfin, sur le lieu de la galerie entr’aperçue de loin, qui rayonnait en silence et pure magie, il constate que c’est la lumière dorée qui pare ce volume idéal d’un chatoiement turquoise, et que cet endroit change de nuance inlassablement, faisant naître insensiblement un état d’apesanteur, tant la Beauté parfaite et l’Harmonie du lieu élève l’âme vers l’indicible...

    (eva texte, photos et video ©

     

     


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  • Sud tunisien

     

    Je ne dirai rien des maisons blanches de Sidi Bou Saïd, de leurs fenêtres ornées de grilles aux volutes bleues, souvenir lointain de l’Andalousie perdue,

    Je ne dirai rien de la Méditerranée éblouissante, verte et bleue, mariée au ciel radieux d’Hammamet, rien de leurs noces insolentes, ciel et mer, mer et ciel…

    Je ne dirai rien de ce qu’écrivent les visiteurs au dos des cartes postales…

     

    Je te dirai juste comment je suis restée sans voix au bord de la mosquée souterraine du village berbère de Chenini,

    Et comment l’émotion m’a surprise, le souffle coupé, imaginant ces hommes traqués qui cherchaient la protection de Dieu, loin de l’envahisseur barbare, réfugiés dans le ventre de la montagne, en communion religieuse, maîtrisant leur peur et leur colère, leur impuissance aussi, invoquant le nom d’Allah, ensemble unis par la prière, dans la fraîcheur calme et sereine de la Terre, comme déjà ensevelis dans le drap blanc, aux bras de la Terre, mère des vivants et des morts…

     

    Et je suis restée là-bas avec eux, ceux qui ne sont plus, et ceux qui vivent ailleurs…

    eva, texte, photo et video ©

     

     

     


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    Les Météores (Tessalie) Grèce

     

    Ailleurs                                                                                           

    S’il est un chemin qui mène à la félicité, c’est bien celui qui conduisit mes pas hésitants vers le pays mystérieux, blanc et cotonneux d’où tu me faisais des signes joyeux et prometteurs. Région inaccessible toutefois, tellement rêvée, espérée, convoitée, magnifiée… Eden à nul autre pareil, sans équivalent dans la vraie vie, pas même sous l’effet de drogues interdites… 

    Mais, toi-même appartenant au monde réel, te trouvais dans l’impossible, enraciné gentiment et raisonnablement dans le quotidien, et je dus poursuivre ma quête d’absolu, en solitude et désespérance, guettant d’autres signes, ailleurs, en d’autres temps… 

    Si mon attirance pour le Beau déconcerte, c’est qu’elle s’accompagne d’un renoncement croissant et tenace, un renoncement à l’ordinaire, un renoncement à la compromission, à la tiédeur, un renoncement fatal : le renoncement à la Vie… Rompre le fil de ce petit ballon gonflé à l’hélium, casser le lien ténu et se laisser emporter vers d’autres rivages vierges d’hypocrisie et de faux-semblants, pour un autre univers, un monde sidéral, des îles intergalactiques… 

    Liberté, liberté, illusion de la liberté, détachement de tout ce qui fait la satisfaction ordinaire : bouger, rire et se remplir de vanité, s’imaginer détenir l’autre en exclusivité. Partir, partir avec légèreté, sans chaîne, sans questionnement, sans regret… S’éloigner doucement de la terne médiocrité, de la triste laideur… Rejoindre ceux qui ont loué, célébré, servi la Beauté sans relâche, avec joie et ferveur, les rejoindre et se fondre en eux… Je le sais, ils sont là, ils m’attendent, ils m’ouvrent les bras et m’emporteront dans le scintillement coloré… Je leur parle en silence, ils m’écoutent, me bercent et me consolent. Ils sont mes amis de toujours et à jamais fidèles… 

    Pourrai-je encore longtemps résister au doux chant des sirènes ?

    Saurai-je détourner mon regard de la belle lumière primordiale, et ma bouche de la coupe délicieuse ?

    A toujours remettre cet instant d’ineffable bonheur, la foi, l’espoir viennent à s’user… les images tremblantes de mes amis s’éloignent, s’estompent… Mes amis, mes amis, mes frères, agrippez moi, tirez-moi vers vous avant que la nuit ne devienne trop noire, donnez-moi bien à voir le jaillissement de la lumière, de la ligne idéale, et de la forme parfaite, donnez-moi bien à entendre la musique enjôleuse et tendre, donnez-moi bien à sentir la caresse du vent et de la pluie d’étoiles, et le parfum suave des mimosas …

    eva (texte, photos, et video ©)

     


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    Taormina, un balcon sur l'Etna

     

    "Un homme n'aurait à passer qu'un jour en Sicile et demanderait : "Que faut-il y voir ?" Je lui répondrais sans hésiter : "Taormine". 

    Ce n'est rien qu'un paysage, mais un paysage où l'on trouve tout ce qui semble fait sur la terre pour séduire les yeux, l'esprit et l'imagination. 

    Le village est accroché sur une grande montagne, comme s'il eût roulé du sommet, mais on ne fait que le traverser, bien qu'il contienne quelques jolis restes du passé, et l'on va au théâtre grec , pour y voir le coucher du soleil. 

    J'ai dit du théâtre de Ségeste, que les Grecs savaient choisir , en décorateurs incomparables, le lieu unique où devait être construit le théâtre, cet endroit fait pour le bonheur des sens artistes. 

    Celui de Taormine est si merveilleusement placé qu'il ne doit pas exister, par le monde entier, un autre point comparable. Quand on a pénétré dans l'enceinte, visité la scène, la seule qui soit parvenue jusqu'à nous en bon état de conservation, on gravit les gradins éboulés et couverts d'herbe, destinés autrefois au public, et qui pouvaient contenir trente-cinq mille spectateurs, et on regarde. 

    On voit d'abord la ruine, triste, superbe, écroulée, où restent debout toutes blanches encore, de charmantes colonnes de marbre blanc coiffées de leurs chapiteaux ; puis, par-dessus les murs, on aperçoit au-dessous de soi la mer à perte de vue , la rive qui s'en va à l'horizon, semée de rochers énormes, bordée de sables dorés, et peuplée de villages blancs ; puis à droite au-dessus de tout, emplissant la moitié du ciel de sa masse, l'Etna couvert de neige, et qui fume là-bas.

    Où sont donc les peuples qui sauraient, aujourd'hui, faire des choses pareilles ? Où sont donc les hommes qui sauraient construire , pour l'amusement des foules, des édifices comme celui-ci ? 

    Ces hommes-là, ceux d'autrefois, avaient une âme et des yeux qui ne ressemblaient point aux nôtres, et dans leurs veines, avec leur sang, coulait quelque chose de disparu : l'amour et l'admiration du Beau."  

    Guy de Maupassant (La vie errante)

      


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