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un amour d'eva
Cet hiver-là, ce chat fut le rescapé de quinze vagabonds que je nourrissais suite à la disparition d'un vieux voisin.
Il me voyait venir de loin. Toujours un peu à l'écart des autres, immobile, haut perché, il m'observait, et quand j'avais terminé la distribution de croquettes dans un grand plat, tandis que ses frères et ses cousins se régalaient avec voracité, il me regardait partir... Et lorsque j'étais définitivement éloignée, il déployait lentement son corps élastique et s'approchait nonchalamment de la pitance...
Un jour, il me suivit jusqu'à mon jardin. Il me suivit à pas feutrés, à pas de chat, et semblait dire : "Oui, je t'ai suivie, et oui je te suivrais encore... jusque chez toi !"
Il campa dans le jardin, toujours à bonne distance. C'était un petit affamé de tout ! Affamé de croquettes, affamé d'amour... Et il se laissa apprivoiser. Le rayon vert de ses yeux à travers la fente oblique de ses paupières, me surveillait en silence. Il s'était imposé, et je ne m'étais pas méfiée. Je l'avais considéré d'un oeil amusé, et je m'étais habituée à lui, à ses gentillesses timides, à ses ronronnements délicats, à ses miaulements silencieux (ultrasoniques, pourrait-on dire).
Ainsi passa l'hiver, puis vint le printemps, puis l'été. Il était toujours là, mais refusait sans appel de sacrifier sa liberté de vieux félin. Libre de ses frasques, il me revenait amaigri, le nez griffé, les oreilles déchirées.
Il n'était pas méchant, il était silencieux... Il pratiquait le silence d'une façon têtue. Il avait opté définitivement pour la méfiance. Je me résolus donc à l'aimer ainsi : sauvage et libre, doux et silencieux, infidèle en amitié, souverain dans l'ingratitude. Solitaire et gardien jaloux de sa solitude.
eva, 4 mai 2012 (texte et photos)
Tags : chat, mots
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Commentaires
C'est une très belle histoire , sinon je pars trois jours un article demain matin avec chaton au pigeonnier , sinon à lundi
A bientôt
J'adore le dernier paragraphe, je l'ai relu en boucle plusieurs foisCelui-là est au paradis des chats à présent ! Il aimait tant la liberté qu'il en est mort très vite ! Bises Noëlle, bonne nuit !
Eva, Jamadrou te connais bien ! j'allais dire aussi, "comme toi"...
Très joli texte, plein de tendresse et joli photo, ton chat est beau !
Je t'embrasse , bonne journéeFélin, féline
ils se faufilent
ils aiment
mais jamais ne traînent
ils cherchent des attaches
mais jamais ne s'attachent
ils aiment quand ils se sentent aimés
mais sont épris de liberté.
comme moi, comme toi?oui, ils sont jaloux, exclusifs, et parfois rancuniers... mais si beaux et si attachants ! Les chats sont souvent méconnus et incompris. Après avoir été les suppôts de Satan au Moyen Age, ils sont encore mal aimés, soupçonnés d'hypocrisie (juste parce qu'ils ne se soumettent pas aux hommes, contrairement aux autres bestioles domestiques). Le chat est libre et indompté, et c'est ce qui me ravit chez lui...
Et voilà ! tu as dû te facher définitivement avec une personne "charmante" ! Bon week-end Dan (un peu tendu peut-être, comme pour moi....)
Ces photos sont vraiment belles et attendrissantes comme savent l'être les chats. Ce sont des animaux très débrouillards et vraiment forts pour se débrouiller seuls dans la nature. Mais ils ont aussi besoin de tendresse et d'amour...Oui, je sais bien Danae... Le pire, c'est que tous ceux qui débarquent chez moi savent bien que je finirai par leur donner à manger... Bisous ma Danae
Dès que tu le nourris, un chat considère ta maison comme la sienne ! C'est ce qui m'est arrivé, mais j'aime le chat libre et sauvage et finalement je le laisse vagabonder la nuit même s'il revient souvent avec le nez griffé !!! C'est ce qu'il veut, il pleure pour sortir. Le tien est très beau avec ses yeux verts ! Bisous EvaTrès beau texte Eva. J'ai aimé la façon dont tu raconte cette historiette : cette façon d'humaniser le chat... :-)) J'en connais des silencieux, des secrets, des solitaires, des méfiants, des farouchement indépendants. Ils ont un charme fou...:-))Mon chat, du nom d'Aldo (nom qui ne vient pas de moi), est venu aussi chez moi subrepticement, sa "maîtresse" ne devait pas assez l'aimer, et le jour où elle déménagea, elle nous demanda si nous ne voulions pas garder Aldo ? Je lui répondit que c'est Aldo lui même qui a répondu à votre question en restant la plupart du temps chez moi, et cela fait des années maintenant, il a du trouver plus d'amour chez nous que chez son ancienne "maîtresse" !
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Bonjour Eva, j'adore ton récit. Oui malheureusement comme beaucoup de chats en liberté ont une triste fin, mais ils ont une belle vie par rapport à ceux enfermés en prison ! La mienne est la seule du quartier à échapper aux voitures tant elle en a peur ! Pourvu que ça dure ! Bises ma belle Eva au coeur tendre