• Instants...

     

    Nathanaël, je te parlerai des instants. As-tu compris de quelle force est leur présence ? Une pas assez constante pensée de la mort n'a donné pas assez de prix au plus petit instant de ta vie. Et ne comprends-tu pas que chaque instant ne prendrait pas cet éclat admirable, sinon détaché pour ainsi dire sur le fonds très obscur de la mort ?

    André Gide (Les nourritures terrestres)

     

     


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    Photo Katia Chausheva

     

    "Je touche tes lèvres, je touche d’un doigt le bord de tes lèvres, je dessine ta bouche comme si elle naissait de ma main, comme si elle s’entrouvrait pour la première fois, et il me suffit de fermer les yeux pour tout défaire et tout recommencer, je fais naître chaque fois la bouche que je désire, la bouche que ma main choisit et qu’elle dessine sur ton visage, une bouche choisie entre toutes, choisie par moi avec une souveraine liberté pour la dessiner de ma main sur ton visage et qui, par un hasard que je ne cherche pas à comprendre, coïncide exactement avec ta bouche qui sourit sous la bouche que ma main te dessine.

    Tu me regardes, tu me regardes de tout près, tu me regardes de plus en plus près, nous jouons au cyclope, nos yeux grandissent, se rejoignent, se superposent, et les cyclopes se regardent, respirent confondus, les bouches se rencontrent, luttent tièdes avec leurs lèvres, appuyant à peine la langue sur les dents, jouant dans leur enceinte où va et vient un air pesant dans un silence et un parfum ancien. Alors mes mains s’enfoncent dans tes cheveux, caressent lentement la profondeur de tes cheveux, tandis que nous nous embrassons comme si nous avions la bouche pleine de fleurs ou de poissons, de mouvements vivants, de senteur profonde. Et si nous nous mordons, la douleur est douce et si nous sombrons dans nos haleines mêlées en une brève et terrible noyade, cette mort instantanée est belle. Et il y a une seule salive et une seule saveur de fruit mûr, et je te sens trembler contre moi comme une lune dans l’eau."

    Julio Cortázar

    Marelle (Rayuela) / 1963

     


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    Varouna (Julien Green)

     

      

    « J’ai voulu dans ce livre raconter l’histoire d’une chaîne passant de mains en mains à travers les siècles et jouant un rôle particulier dans la vie des hommes et des femmes à qui elle échoit. Ce thème qui est assez simple n’en demande pas moins quelques éclaircissements. La chaîne dont il s’agit, en effet, ne tombe jamais qu’entre les mains de certaines personnes, et si cela ressemble à un jeu, quelle destinée humaine ne ressemble parfois à un jeu complexe et tragique dont nous ignorons les règles ?

    Cette chaîne n’est pas fée, comme on eût parlé jadis, en ce sens qu’elle n’exerce aucune action par elle-même, mais elle est le signe et pour ainsi dire le témoin de deux destinées qui doivent se côtoyer, puis infailliblement s’unir. Comme le temps est plus long que nous et qu’une vie ne semble pas suffire à l’accomplissement d’une destinée, j’ai étendu l’action de mon livre sur un espace de mille ans, et j’ai supposé que deux êtres spirituellement unis par une attirance invincible se retrouvent d’époque en époque, se reconnaissent, et s’aiment. Ici, je pense, il faudrait parler de métempsycose, mais je ne le ferai pas, parce que je ne suis pas sûr qu’il s’agisse de cela. Et puis, comme tous les hommes, je suis très ignorant de notre origine, je sais seulement que nous venons de très loin, que nous sommes grands voyageurs à travers les siècles et que le terme du voyage est incertain ; et c’est à peu près tout ce que j’ai voulu exprimer dans ce récit. »

    Julien Green.

    Extrait du préambule à « Varouna »


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  • Un conte de Guy de Maupassant

     

    Rose est une fille de ferme. Séduite, puis abandonnée par le valet Jacques, elle met au monde un enfant qu’elle cache dans un village voisin. Demandée en mariage par le maître, elle refuse obstinément, ne pouvant avouer sa « faute ». Elle finit par accepter le mariage mais celui-ci tourne mal, le fermier ne pouvant admettre de ne pas avoir d’enfants. Rose, dans un cri de désespoir, avoue qu’elle a un enfant. Le fermier alors, fou de joie, l’entraîne pour aller chercher cet enfant inespéré. Ce conte a été mis en image par Claude Santelli en 1973 pour la télévision.

     

     


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