• La Peste (Albert Camus)

     

     

    « Les fléaux, en effet, sont une chose commune, mais on croit difficilement aux fléaux lorsqu’ils vous tombent sur la tête. Il y a eu dans le monde autant de pestes que de guerres. Et pourtant pestes et guerres trouvent les gens toujours aussi dépourvus. Le docteur Rieux était dépourvu, comme l’étaient nos concitoyens, et c’est ainsi qu’il faut comprendre ses hésitations. C’est ainsi qu’il faut comprendre aussi qu’il fut partagé entre l’inquiétude et la confiance. Quand une guerre éclate, les gens disent : "ça ne durera pas, c’est trop bête." Et sans doute une guerre est certainement trop bête, mais cela ne l’empêche pas de durer. La bêtise insiste toujours, on s’en apercevrait si l’on ne pensait pas toujours à soi. Nos concitoyens à cet égard étaient comme tout le monde, ils pensaient à eux-mêmes, autrement dit, ils étaient humanistes : ils ne croyaient pas aux fléaux. Le fléau n’est pas à la mesure de l’homme, on se dit donc que le fléau est irréel, c’est un mauvais rêve qui va passer. Mais il ne passe pas toujours et, de mauvais rêve en mauvais rêve, ce sont les hommes qui passent, et les humanistes en premier lieu, parce qu’ils n’ont pas pris leurs précautions. Nos concitoyens n’étaient pas plus coupables que d’autres, ils oubliaient d’être modestes, voilà tout, et ils pensaient que tout était encore possible pour eux, ce qui supposait que les fléaux étaient impossibles. Ils continuaient à faire des affaires, ils préparaient des voyages et ils avaient des opinions. Comment auraient-ils pensé à la peste qui supprime l’avenir, les déplacements et les discussions ? Ils se croyaient libres et personne ne sera jamais libre tant qu’il y aura des fléaux.» 

     

    La Peste (Albert Camus)

     


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    Albert Camus, disparu le 4 janvier 1960

    Albert Camus, avec ses jumeaux Jean et Catherine en 1957. Photo : Loomis Dean

     

     


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  • Paul Gauguin, Noa Noa

     

     

    "Il est extraordinaire qu'on puisse mettre tant de mystère dans tant d'éclat"

    (Stéphane Mallarmé parlant de Gauguin, en exergue du premier chapitre de Noa Noa)

     

    Paul Gauguin, Noa Noa

     

    "Noa Noa" qui signifie en tahitien "odorant" (Ce qu'exhale Tahiti) est un récit de voyage, témoignage de la vie de Gauguin pendant son premier séjour à Tahiti, commentaire de ses tableaux, le manuscrit Noa Noa occupe une place singulière dans l'oeuvre de l'artiste. Il connut une histoire mouvementée, de sa genèse à sa publication. De retour en en France, venant de Tahiti, le 3 août 1893, Gauguin, vers la fin de l'année, avait entrepris de rédiger des souvenirs sur sa première aventure océanienne. 

    Parce qu'il doute de ses qualités de poète et d'écrivain, Gauguin sollicite la collaboration de son ami Charles Morice (on peut trouver cette première version en pdf ici 

    ...une version malheureusement surchargée de vers inutiles de Morice (en dépit des protestations de Gauguin) et il faudra attendre 1966 pour que Jean Loize publie chez l'éditeur parisien André Balland, le NOA NOA écrit par Gauguin accompagné de notes critiques.

    source de ce billet : le site "Regard éloigné"

    lire aussi : savatier.blog.lemonde.noa-noa-de-paul-gauguin/

     

    Paul Gauguin, Noa Noa

     

    Paul Gauguin, Noa Noa

     

     


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  • L'ennui (Alberto Moravia)

     

    "Toujours vêtue en petite danseuse, suivant la mode du moment, avec une légère chemisette bouffante et une jupe ample et courte que paraissait soutenir une crinoline, elle éveillait l'idée d'une fleur renversée, à la corolle déversée et oscillante, qui se serait promenée en marchant sur ses pistils. Elle avait un visage rond de petite fille, mais d'une petite fille grandie trop vite et initiée trop tôt aux expériences féminines. Elle était pâle, avec sous les pommettes une ombre légère qui faisait paraître ses joues hâves et, tout autour du visage une épaisse chevelure brune et crépelée. Sa petite bouche, de forme et d'expression enfantine, faisait penser à un bouton de fleur précocement apparu sur la branche sans s'ouvrir ; mais elle était marquée aux coins de deux rides minces qui me frappèrent particulièrement à cause du sentiment d'aridité intense qui en émanait. Enfin, ce qu'elle avait de plus beau, ses yeux, grands et sombres, eux aussi de forme enfantine sous un front un peu bombé, avaient un regard sans innocence, indéfinissablement distant, fuyant et incertain." 

    Alberto Moravia (L'ennui) 

     

     

     


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