• Lettre à François Augieras.

     

     

     

    Entre nous deux, ce fut comme un rendez-vous manqué… J’étais à Domme en 1972 où tu fumais des orties dans les combes profondes deux années auparavant, à Domme où tu t’isolais dans une grotte, une petite caverne où tu écrivais, où tu savais t’extraire du monde, dans le plus grand dénuement.

    J’ignorais encore que tu avais été là bas, au centre du monde, à guetter des signes d’un autre univers. Domme alors, n’était qu’un petit village perché au-dessus de la Dordogne, et pas encore ce repaire touristique que l’on connait aujourd’hui… Bien plus tard j’ai su… Bien plus tard j’ai lu ton « Domme ou l’Essai d’Occupation »… et tous tes écrits, François. Dès cet instant, tu n’as cessé d’habiter mon esprit et mon cœur. Dès cet instant, toutes les coïncidences qui semblaient nous lier par delà le temps m’ont hantée pendant deux longues années. Aujourd’hui je me souviens combien tu me fascinais, et combien ton amour pour ce « pays de l’Homme » m’avait troublée, envoûtée… Combien ton écriture magique m’avait ensorcelée. Je me souviens combien j’avais goûté ta sauvagerie, ta façon de faire l’amour aux arbres, à la Vézère (que tu désignais comme « ton épouse »). Je veux me souvenir de tes toiles étranges, de tes personnages venus d’ailleurs (dont tu ne peignais jamais les pieds), de tes icônes (en souvenir du Mont Athos)… Parce que je peins aussi comme toi, à plat sur la table (comme les petits enfants) j’ai une pensée attendrie pour tout ce qui reste de ton œuvre peint, tout ce qui fait son mystère et son oubli : la plupart de tes toiles ont été perdues, certaines laissées par toi dans la nature, parce que disais-tu, une œuvre doit vivre en liberté sa vie de création, sa vie en dehors de son créateur.

    Parce que l’on trouve sur le net de nombreuses images de toi, des livres de toi et sur toi, je ne montrerai que peu d’images : notamment la première édition de « Le Vieillard et l’Enfant » publiée sous le pseudonyme de Abdallah Chaamba, que tu avais toi-même tapée sur des feuillets de couleur et éparpillée au petit bonheur. L’un de ces exemplaires avait été adressé à André Gide (dont je veux montrer aussi la lettre admirative signée le jour même de ma naissance !)

     

    Tu es mort à l’âge de 46 ans, malade, dans la plus grande misère et le plus grand dénuement. Ta pierre tombale que j’ai photographiée dans le cimetière de Domme il y a quelques années, se trouve au bord d’une combe, et je ne peux m’empêcher d’imaginer que tu persistes à dévaler les falaises de Domme, en liberté, comme tu as toujours vécu. 

    eva, ce 31 août 2015.

     

    Lettre à François Augieras.

      

     

     

     

    Lettre à François Augieras.

     

    Lettre à François Augieras.

     

    " Je voudrais savoir à qui je dois m'adresser - qui je puis remercier pour l'intense et bizarre joie que je prends à la lecture (et relecture) de ces pages remarquables entre toutes. Je supplie l'auteur de m'en réserver un exemplaire. "Le vieillard et l'enfant" ne peut trouver un lecteur plus attentif et plus ravi qu' André Gide." 30 mars 50 

     

     

     

     Le Vieillard et l'Enfant

    Les Barbares d'Occident

    Domme ou l'Essai d'Occupation

    La Vézère aux deux visages

     

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  • Commentaires

    14
    luc delvaux
    Dimanche 17 Juin 2018 à 20:07

    Silence

     

     

     

      • Dimanche 17 Juin 2018 à 23:00

        Ce mot que tu as écrit, c'est comme une révélation Luc... Soudain, je réalise qu'après avoir lu presque tous écrits d'Augiéras je n'ai plus rien lu... plus rien... comme s'il me fallait faire silence... Tout après lui me paraissait sans intérêt, vide de sens...

    13
    Mardi 1er Septembre 2015 à 23:21

    @ J. oui, c'était lui l'original... tu sais bien qu'il faut toujours être un peu fêlé pour laisser passer la Lumière....  

    12
    El duende
    Mardi 1er Septembre 2015 à 21:35

    Je connaissais l'histoire d'un original qui balançait ses toiles dans la nature pour qu'elles vivent leur vie. Présente avec tant de talent et de verve, tu me donnes envie d'en savoir plus d'autant qu'il ne peignait pas des croutes a ce que je vois. C est le lot de tous les passionnés de crever dans la solitude et le dénuement. Les vrais. Ceux qui ne  rentrent jamais dans le système au risque calcule d'en mourir. C'est une question que les plus grands se sont posés : Paul Valéry par exemple qui ne voulait pas perdre de temps à faire sa promotion pour recevoir des décorations. Il se centrait sur l'essentiel : la création. Ce qui ne veut pas dire qu' il faut en mourir pour être un vrai.

    je vais me mettre en quête de l'un de ses livres. Merci de la découverte.  Très beau billet, mais c'est toujours ça chez toi. J.

    11
    Mardi 1er Septembre 2015 à 16:31

    Un choc Eva en lisant "ta lettre". Un de ces moments magiques comme il en existe encore parfois dans ce trop plein de tout et rien que l'on trouve sur d'autres réseaux dits sociaux. Un moment qui illumine l'instant présent d'une journée. Et si j'e précise que je ne connais pas  François Augiéras, mon trouble devient doux mystère...Vient enfin s' ajouter à mon bonheur de lire ta Note  ta mise en forme et le choix des illustrations.
    Je t'embrasse.

    10
    Mardi 1er Septembre 2015 à 13:43

    smile Merci Eva

    9
    Mardi 1er Septembre 2015 à 12:25

    @Francesco : Augieras est un personnage étonnant, il avait été examiné par des psychiatres vers la fin de sa vie, l'électro-encéphalogramme ne révélait rien d'inquiétant, il mettait cependant en évidence une "activité psychique inconnue", des oscillations qu'on ne savait comment interpréter et dont le patient ne manqua pas de se vanter !!!!!! Baci Francesco  :-)

    @Dan : le Périgord est un haut lieu de la Préhistoire... un endroit sauvage et fascinant !.. avec un peu d'imagination on peut y voir nos ancêtres qui ont vécu là-bas !  :-))))

    @Gérard : Merci, j'ai vu une expo des quelques oeuvres d'Augieras à Cahors en 2008... C'est aussi fascinant que ses écrits...

    @Noëlle : tu as raison, beaucoup de choses ont été écrites sur Augieras, le plus vrai et le plus précis est dit dans le livre de Serge Sanchez "François Augieras le dernier primitif" et également sa correspondance avec son ami Paul Placet "Lettres à Paul Placet". Bises Noëlle.  

    8
    Mardi 1er Septembre 2015 à 11:43

    "Troublante ta lettre"...mais très troublant aussi ce que l'on peut lire sur l'auteur....il me reste à le découvrir ! Domme,wink2 c'est fait...bisous Eva, merci pour ce joli billet !

    7
    Lundi 31 Août 2015 à 23:09

    émouvante découverte, le peintre m'intéresse, j'irais voir son œuvre sur le net.

    6
    DAN
    Lundi 31 Août 2015 à 19:25

    Comme tes lecteurs, plus encore sans doute, je ne connaissais pas cet artiste. Même si je me répète, tes billets sont l’occasion d’explorer des terres inconnues pour moi, bien qu’ici à  Domme, j’ai pu voir le cadre où cet homme vivait, mais en aucun cas des hommes qui l’ont habité ! 

    5
    Lundi 31 Août 2015 à 17:53

    ton billet est tellement touchant Eva, je ne connaissais pas Francois Augieras, j'ai lu ton billet d'un souffle, et je vais sans doute chercher sur le net tout ce qui le regarde! J'aime beaucoup la structure de ta page, les images, les documents… et puis surtout ta lettre qui est tout simplement troublante… Merci, de ce petit joyau qui m'invite à l'exploration d'un univers qui m'était inconnu… 

    4
    Lundi 31 Août 2015 à 13:56

    @ Rony : merci  Rony, ce fut une période  très  importante pour moi...comme  un tournant  dans mon existence  

    @ François  : merci François , Augieras sort de l'ombre de temps en temps. Essaye de commencer  par "le vieillard et l'enfant  "je l'ai  lu d'un trait avec beaucoup  d'émotion .  C'est  un diamant . Tous les autres romans  sont vraiment  très  différents  mais aussi  envoûtants.

    3
    Lundi 31 Août 2015 à 13:48

    Merci pour cette lettre ! J'ai commandé des livres de François Augérias et j'ai hâte de le lire !

    2
    Lundi 31 Août 2015 à 13:29
    rony

    Billet très émouvant...


    Amicalement

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