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Saint-Savin sur Gartempe (Vienne) 2
"Dans cette campagne abondante en ombrages, en eaux claires, au-dessus des toits modestes d'une bourgade paysanne, la Genèse, Abraham, Noë, Moïse, Joseph apparaissent, non comme le tribut génial de l'humanisme à une catholicité magnifique, mais comme l'expression spontannée de la croyance dans une imagination fraîche et vive." (H. Focillon)
Quels qu'en soient son origine et son fondateur, il est établi qu'il existe à Saint-Savin au début du IXe siècle une abbaye jouissant des plus hautes protections. Aux alentours de l'an 1100 l'abbatiale que nous avons encore aujourd'hui est alors entièrement édifiée et son décor peint entièrement exécuté (tous les historiens de l'art s'accordent sur ce point). La plupart des auteurs tiennent le transept pour la partie la plus ancienne de l'abbatiale et estiment que la construction du choeur a immédiatement suivi. Il est également admis par tous aujourd'hui que le clocher-porche a été plaqué contre une façade déjà existante. Les avis diffèrent en revanche quant à l'âge de cette façade et au sens dans lequel a été bâtie la nef.
Le clocher-porche est l'ostensible signal attirant le regard du voyageur qui approche le bourg de quelque direction que ce soit. La puissante tour approximativement carrée a été plaquée contre une façade qui lui préexistait.
C'est à Saint-Savin que se trouve conservé le plus vaste et le plus bel ensemble de peintures murales romanes de France. On peut en effet y admirer plusieurs cycles iconographiques qui couvrent la plus large surface des parois et des voûtes des diverses parties de l'abbatiale : sur le berceau de la nef ont été représentés une cinquantaine d'épisodes de l'Ancien Testament, dont les thèmes ont été empruntés aux livres de la Genèse et de l'Exode ; le porche est essentiellement orné de scènes tirées de l'Apocalypse ; dans la Tribune (qu'on ne visite plus, hélas !) sont figurés la Passion et la Résurrection du Christ ; sur les parois de la crypte (qu'on ne visite plus) les péripéties du long martyre des saints Savin et Cyprien. Au total, des centaines de mètres carrés sont couverts de peintures ! La seule voûte de la nef longue de 42m environ et d'une demi-circonférence de près de 11m , représente à elle seule une superficie de 460m² : le montage bout à bout de ces grandes scènes qui la décorent forment une bande de 168m de long sur plus de 2.50m de haut...
Au tympan qui surmonte la porte donnant accès à la nef figure un grand Christ de la Parousie assis sur un trône dans une gloire circulaire. La voûte du porche est soutenue par un arc doubleau et un arc formeret, le premier orné à l'origine de douze médaillons sur lesquels sont représentés les zignes du zodiaque ; sur le second ont été figurés quatre groupes de trois anges et quatre groupes de trois apôtres.
Au registre median gauche de la seconde travée du porche se trouvent réunis deux épisodes de l'Apocalypse. A gauche, Jean voit s'ouvrir le temple de Dieu dans le ciel et apparaître l'arche d'alliance dans son sanctuaire (Apoc. XI, 19) tandis qu'à droite est figurée la Femme "que le soleil enveloppe, la lune sous les pieds" et qui vient de donner le jour à un enfant mâle qui doit mener toutes les nations avec un sceptre de fer. Cet enfant est enlevé auprès de Dieu et de son trône par un ange au moment où le dragon, pour noyer la Femme, lance de sa gueule comme un fleuve d'eau, que la terre, venant au secours de la Femme, engloutit (Apoc., XII, 1-5 et 15-16).
Au registre supérieur gauche de la seconde travée du porche, se trouve représenté le début du chapitre IX de l'Apocalypse : à gauche, le cinquième ange sonne de la trompette et ouvre le puits de l'Abîme, d'où s'échappent, à droite, des sauterelles dotées, comme les scorpions, du pouvoir de tourmenter pendant cinq mois les hommes qui n'ont point le sceau de Dieu sur le front. "Ces sauterelles font penser à des chevaux équipés pour la guerre : sur leurs têtes on dirait des couronnes d'or, et leurs faces rappellent des visages humains ; leurs cheveux, des chevelures de femmes, et leurs dents, des crocs de lions : leurs thorax, des cuirasses de fer, et le bruit de leurs ailes, le vacarme de chars aux multiples chevaux se ruant au combat " (Apoc. IX, 7-9)
Au tympan surmontant la porte d'entrée a été peinte, à la fin du XIIe siècle au moins, une Vierge à l'Enfant, dite Vierge portière.
Assise sur un trône et se détachant sur une double mandorle bordée à sa partie supérieure de festons, elle est couronnée, nimbée et tient l'Enfant Jésus de face sur ses genoux. Emergeant de demi-cercles qui symbolisent le ciel, deux anges esquissent des gestes vers les personnages du centre de la composition. Tout autour de la Vierge ont été curieusement insérés des cabochons qui accentuent le caractère byzantin de cette représentation.
(à suivre)
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Commentaires
Je comprends Eva et grâce à toi et Sarah, j'ai donné les éléments d'explication , du moins ceux que je connais. Bises.oui, c'est vrai, et j'ai découvert aujourd'hui sur ton blog cette tradition de l'embrasement d'une barque... ça m'a laissée perplexe : brûler un instrument de travail... c'est curieux ! Bises Louis-Paul et bonne fin de journée !
L'histoire des sauterelles-chevaux m'a beaucoup amusée, et je n'ai pas résité à la tentation de la rapporter ici !
WOUAH UN VRAI DOCUMENTAIRE! Passionnant ces dessins muraux qui correspondent exactement au texte! Un régal, j'attends la suite chère Eva
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Merci Louis-Paul pour ces précisions. Je comprends mieux ainsi. L'incinération d'une vieille barque, c'est un peu une cérémonie de deuil... C'est très beau finalement ! Douce et belle nuit, et plein de bises