• Perspective...

     

    Sa voix était douce, soyeuse, et son accent de nulle part : elle prononçait toutes les syllabes, avec une intonation gourmande, à peine chantante,  faisant à peine danser les mots à son oreille...

     

    Elle lui dit alors :

    "Tu aimes l'impressionnisme, que l'on contemple avec émerveillement en clignant des paupières pour faire vibrer la lumière, tu aimes Monet que j'aime aussi, mais je vais t'apprendre le surréalisme... Regarde bien...

    Tu vois ce tableau, tu vois cette allée ombragée ? C'est ici que l'on se quitte..."

     

    Alors, elle lui donna un baiser citron, un baiser loukoum, le dernier...

     

    Et lui, tout interdit de surprise, avant qu'il ait pu faire un geste, il la vit franchir le cadre du tableau, et s'éloigner dans l'allée bordée d'arbres frémissants... Elle s'éloignait lentement sans se retourner, elle s'éloignait vers l'enfant qu'elle n'avait jamais été, elle s'éloignait avec ses rêves à lui et ses douceurs cruelles, elle s'éloignait pour ne plus devenir qu'un point à l'horizon... Un tout petit point, celui qu'on désigne dans la règle de la Perspective par "point de fuite"... Et il se souvint brusquement qu'elle avait dit qu'en amour, la seule victoire était la fuite...

     

    eva, le 12 janvier 2016

     


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  • La Peste (Albert Camus)

     

     

    « Les fléaux, en effet, sont une chose commune, mais on croit difficilement aux fléaux lorsqu’ils vous tombent sur la tête. Il y a eu dans le monde autant de pestes que de guerres. Et pourtant pestes et guerres trouvent les gens toujours aussi dépourvus. Le docteur Rieux était dépourvu, comme l’étaient nos concitoyens, et c’est ainsi qu’il faut comprendre ses hésitations. C’est ainsi qu’il faut comprendre aussi qu’il fut partagé entre l’inquiétude et la confiance. Quand une guerre éclate, les gens disent : "ça ne durera pas, c’est trop bête." Et sans doute une guerre est certainement trop bête, mais cela ne l’empêche pas de durer. La bêtise insiste toujours, on s’en apercevrait si l’on ne pensait pas toujours à soi. Nos concitoyens à cet égard étaient comme tout le monde, ils pensaient à eux-mêmes, autrement dit, ils étaient humanistes : ils ne croyaient pas aux fléaux. Le fléau n’est pas à la mesure de l’homme, on se dit donc que le fléau est irréel, c’est un mauvais rêve qui va passer. Mais il ne passe pas toujours et, de mauvais rêve en mauvais rêve, ce sont les hommes qui passent, et les humanistes en premier lieu, parce qu’ils n’ont pas pris leurs précautions. Nos concitoyens n’étaient pas plus coupables que d’autres, ils oubliaient d’être modestes, voilà tout, et ils pensaient que tout était encore possible pour eux, ce qui supposait que les fléaux étaient impossibles. Ils continuaient à faire des affaires, ils préparaient des voyages et ils avaient des opinions. Comment auraient-ils pensé à la peste qui supprime l’avenir, les déplacements et les discussions ? Ils se croyaient libres et personne ne sera jamais libre tant qu’il y aura des fléaux.» 

     

    La Peste (Albert Camus)

     


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    Je suis ton absente, tu es mon absinthe,

    Tu es mon signe rouge, je suis ton cygne noir,

    Je suis ton vide vertigineux, tu es ma plénitude inachevée,    

    Je suis ton noir sépulcral, tu es ma lueur vacillante... là-bas… bientôt…

    Et tu m’attends, et tu m’attends…et  moi aussi…

    eva, le 9 janvier 2016 (à mon père) 

     

     Photo Katia Chausheva 

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    Albert Camus, disparu le 4 janvier 1960

    Albert Camus, avec ses jumeaux Jean et Catherine en 1957. Photo : Loomis Dean

     

     


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