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    Noirlac, la salle des moines

     

    Au Moyen Age, la salle des moines servait aux tâches ménagères ou domestiques. Les moines y recopiaient aussi les manuscrits, tâche ardue, obligeant à courber l'échine des heures durant, dans une faible clarté. Souvent issus de familles aristocratiques, les moines de choeur savaient en principe lire et écrire. Le chauffoir permettait de se détendre quelque peu. Labeur ascétique et méthode de mémorisation de textes, le travail des copistes a permis à de nombreux ouvrages anciens de traverser les siècles.

     

    Il fallait un an pour recopier une Bible, un homme pouvant recopier durant son existence jusqu'à 40 ouvrages. Sur les peaux d'animaux (chèvres, veaux ou agneaux...) qui étaient séchées et fourbies, intervenaient successivement le traceur de lignes, le copiste, le correcteur, l'enlumineur et le relieur.

    Refusant les magnifiques enluminures polychromes, les cisterciens adoptèrent en 1152 le principe des initiales monochromes sans aucun ornement. Leur style s'imposa durant une quarantaine d'années.

     

    Noirlac, le réfectoire

     

    Les généreuses proportions du réfectoire (9m de hauteur) témoignent du respect avec lequel les architectes cisterciens traitaient les necessaria, les exigences quotidiennes de la condition humaine. 

    Le repas, simple collation les jours de jeûne ou prandium plus substantiel, restait marqué par un esprit de privation et de refus : rations parfois réduites, monotonie des menus...

     

    Après s'être lavés les mains, les moines attendaient que l'abbé eût pris place puis s'asseyaient après avoir dit le Bénédicité. Le repas se prenait en silence. Réputée attiser les passions, la viande était proscrite et la volaille à peine autorisée.  Le poisson en revanche était un aliment essentiel tout comme les céréales, les légumes et le vin.

     

    Noirlac--vue-d-ensemble-du-chevet-de-l-abbatiale-jpg

     

    Vue d'ensemble du chevet de l'abbatiale. A gauche, au-dessus des chapelles latérales, la surélévation  marque la cellule de l'abbé.

    (à suivre)


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    Noirlac, l'église4

     

    "Cette maison, mes frères, est la forteresse du Dieu éternel" (saint Bernard)

    Le dépouillement de l'art cistercien est en harmonie avec l'ascèse, ce cheminement spirituel qui supose la non-possession et le détachement des biens terrestres. Instrument du salut, réceptacle de la lumière, l'architecture de cette église exprime par ses proportions, la quête éternelle de la lumière.

     

    Noirlac, l'église3

     

    La vie conventuelle est rythmée par les heures liturgiques ; elles commencent dans la nuit à deux heures, par les matines qui durent jusqu'à quatre heures et demie. L'heure qui suit est consacrée aux messes des moines-prêtres et aux confessions assurées par l'abbé. On dit "prime" à 5h1/2, pendant une demi-heure. La communauté se retrouve ensuite dans la salle capitulaire pour la lecture d'un chapitre de la règle et les exhortations du père abbé.

     

    Noirlac, la salle capitulaire

     

    Dans cette salle n'entrent que les moines de choeur qui seuls ont "voix au chapitre". Ils seront une cinquantaine à la fin du XIIe S. puis moins d'une douzaine dès le XVIème siècle. La vie des moines est organisée par un véritable régime de droit fixé par la Règle, comme l'élection de l'abbé ou la participation de la communauté à la gestion des affaires. Différence notable par rapport à d'autres ordres : toutes les abbayes cisterciennes sont autonomes et dépendent uniquement du Pape. Elles gardent cependant entre elles des relations quasi familiales qui se traduisent par la tutelle "d'abbayes-mères" sur leurs "filles" (Noirlac est fille de Clairvaux).


    Chaque année, tous les abbés se retrouvent à Cîteaux, en Bourgogne, pour le chapitre général de l'ordre. Le prieur remplace alors l'abbé absent. 

    Avec le temps, l'ordre cistercien se relâchera : à Noirlac, au milieu du XVe siècle, un moine "apostat" (qui a renié ses voeux) et un meurtrier révèlent une crise morale qui n'inquiète réellement le Chapitre Général qu'en 1506 et 1521. Mais il est trop tard.

    Vers 1530, Noirlac tombe sous le régime de la "commende" : l'abbé est désormais nommé par le Roi et choisi hors de la communauté.

     

    Noirlac.-9jpg.jpg

     

    (à suivre)

    documentation : Jean-Yves Ribault (L'Abbaye de Noirlac)

    photos eva, juillet 2012



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    Noirlac, façade ouest

     

    Façade ouest de la clôture : de gauche à droite : l'entrée de l'abbatiale, l'aile des convers, le réfectoire.

     

    Noirlac.jpg

     

    Les douze premiers moines en 1136, (date transmise par la tradition de l'ordre pour être l'année de fondation) venaient de Clairvaux, sous la conduite de leur abbé Robert. Ils avaient, à partir de Bourges, suivi la vieille voie antique qui conduisait à Néris-les-Bains. Ils passèrent assurément par Bruère, ancienne cité fortifiée qui commandait le passage du Cher. A la sortie de la petite ville, la voie s'enfonçait dans les bois qui couvraient le versant de la vallée. Les moines, quittant la route principale, descendirent par le travers d'un taillis touffu la forte pente qui mène au bord du Cher.

    Ce fut en un site sauvage et inculte, ce fond de vallée marécageux dominé par des forêts épaisses que les moines de Clairvaux s'arrêtèrent : "Plante là où coulent les eaux, c'est là qu'abonde la grâce" (Saint Bernard).

     

    Noirlac, le cloître.9a

     

    Hors du monde, les cisterciens se voulaient aussi hors du siècle. Cependant étaient-ils insensibles aux données politiques ? Une nouvelle puissance était apparue au Nord, celle des rois capétiens ; en 1100, le rois Philippe 1er avait racheté les deux vicomtés de Bourges et de Dun, prolongeant ainsi au-delà de la Loire un domaine propre qui ne dépassait pas jusqu'alors le terroir orléanais. 


    La possession de Bourges revêtait d'autant plus d'importance que la ville était le siège d'un vaste diocèse, ayant le titre d'archevêché avec juridiction canonique sur une province ecclésiastique très étendue. L'allié le plus efficace de la monarchie française sera en Berry, comme ailleurs, le pouvoir religieux. Les rois capétiens, spécialement Louis VII, veilleront toujours à placer à la tête du diocèse des prélats dévoués à leur cause, à prendre sous leur protection et à favoriser les établissements ecclésiastiques, en s'appuyant particulièrement sur les nouvelles communautés conquérantes et dynamiques de l'ordre cistercien.


    La première fondation cistercienne en Berry avait été dès 1125 au nord de Bourges l'abbaye de Lornoy, la seconde en date fut en 1136 Noirlac au sud de Bourges. Louis VII s'intéressa personnellement à la survie de la petite communauté. Apparemment oubliés au fond des bois, abandonnés de tous, dénués de tout, les moines menaient une existence très difficile. L'abbé de Clairvaux, leur abbaye mère, saint Bernard lui-même, fut obligé en 1149 d'écrire au Premier ministre Suger pour lui demander de faire accorder du blé des greniers du roi à ses frères de la Maison-Dieu qui manquaient de pain...

     

    Noirlac, le cloître.9b

     

    à suivre...


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    Noirlac, l'abbaye

     

    L'abbaye cistercienne de Noirlac est considérée comme l'un des plus beaux ensembles monastiques de France. Acquise par le Département du Cher en 1909, elle a été depuis 1950 entièrement restaurée dans un esprit qui s'inspire de la vocation primitive des bâtiments : une architecture dépouillée, reflet de l'ascétisme des moines bâtisseurs. 

     

    Noirlac, le cloître

     

    Saint Bernard, le grand maître spirituel cistercien, voyait l'abbaye comme "une prison aux portes ouvertes". Le cloître, (l'enclos ou l'enceinte) était le coeur de cette citadelle strictement réservée aux religieux qui ne pouvaient en sortir sans autorisation de l'abbé. 

     

    Noirlac, le cloître.2

     

    A l'intérieur même de la communauté, moines de choeur et convers ne se mélangeaient pas. C'est pourquoi le cloître de Noirlac s'adossait à l'origine, à une "ruelle", séparation entièrement murée qui fut démolie au XIIIe S. Le jardin du cloître invitait par son silence à la méditation.

    La règle exigeait le silence le plus complet, obligeant les moines à communiquer par geste ou par écrit.

     

    Noirlac, le cloître.4

     

    Les galeries s'ouvrent sur un jardin, dont le puits est décentré. Cette constatation, jointe à d'autres indices matériels, en particulier l'étude des retombées des voûtes primitives, permet d'imaginer un premir cloître carré, dont le puits occupait approximativement  le centre et dont la galerie ouest s'adossait à la ruelle des convers. Ce premier cloître fut redessiné et agrandi après la suppression de la ruelle  dans la seconde moitié du XIIIe S.

     

    Noirlac, le cloître.6

     

    La reconstruction commença par les galeries nord (contre l'église) et ouest (contre le cellier) dont les caractères paraissent assez voisins : voûtes sexpartites , arcades géminées surmontées d'oculi, décor des chapiteaux à crochets permettant d'attribuer ces galeries à la période 1270-1280.

     

    Noirlac, le cloître.7

     

    à suivre...


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