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Colline (Jean Giono)
"La bête souple du feu a bondi d'entre les bruyères comme sonnaient les coups de trois heures du matin. Elle était à ce moment-là dans les pinèdes à faire le diable à quatre. Sur l'instant, on a cru pouvoir la maîtriser sans trop de dégâts ; mais elle a rué si dru, tout le jour et une partie de la nuit suivante, qu'elle a rompu les bras et fatigué les cervelles de tous les gars. Comme l'aube pointait, ils l'ont vue, plus robuste et plus joyeuse que jamais qui tordait parmi les collines son large corps pareil à un torrent. C'était trop tard.
Depuis elle a poussé sa tête rouge à travers les bois et les landes, son ventre de flammes suit ; sa queue, derrière elle, bat les braises et les cendres. Elle rampe, elle saute, elle avance. Un coup de griffe à droite, un à gauche ; ici elle éventre une chênaie ; là elle dévore d'un seul claquement de gueule vingt chênes blancs et trois pompons de pins ; le dard de sa langue tâte le vent pour prendre la direction. On dirait qu'elle sait où elle va.
Et c'est son mufle dégoûtant de sang que Maurras a aperçu dans la combe."
Jean Giono (Colline)
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Commentaires
Comme l'horreur peut être séduisante...J'aime beaucoup Giono, ses histoires, un long poème...une lutte aussi entre l'homme et la terre..
Bises Eva , merciOui, c'est en général ce qui me séduit dans l'écriture de Giono : cette force saisissante...
J'aime beaucoup Giono... Il personnifie la Nature, il lui rend sa force irrépressible et souveraine...
Pour qui n'a pas vu un incendie de foret la description qu'en fait Giono est saisissante !Au début on sent l'admiration de l'auteur pour cette bête souple indomptée jusqu'à ce qu'elle se transforme en monstre...
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C'est bien là le problème du pyromane...