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Goya et Malraux
Cet article est classé dans la catégorie "Ecrire la peinture". C'est un extrait du beau livre du même titre, de l'Editeur Citadelles & Mazenod, dans lequel des auteurs, grands écrivains ou grands poètes, nous livrent leurs émotions ou leurs réflexions sur de grands peintres.
Dans ce premier extrait, c'est André Malraux qui nous parle de Francisco Goya...
« Goya pressent l’art moderne, mais la peinture n’est pas à ses yeux la valeur suprême : elle crie l’angoisse de l’homme abandonné de Dieu. Son apparent pittoresque, jamais gratuit se relie, comme le grand art chrétien à la foi, à des sentiments collectifs millénaires, que l’art moderne entendra ignorer. Le Trois Mai 1808 est le hurlement de l’Espagne ; Saturne, le plus vieux hurlement du monde. Son fantastique ne vient pas des albums de caprices italiens, mais du fond de la peur ; comme Young, comme la plupart des poètes préromantiques, mais avec génie, il rend leur voix aux forces de la nuit. Ce qui est moderne en lui, c’est la liberté de son art. »
(Extrait de "Ecrire la peinture - de Diderot à Sollers" Pascal Dethurens ) Edition Citadelles & Mazenod
Illustration :Saturne dévorant ses enfants (1821-1823 huile sur toile 146x83cm Madrid Museo del Prado)
Tags : peintres, écrivain
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Commentaires
15Henri-PierreVendredi 17 Février 2012 à 19:19Malraux a bien noté le drame des peurs ancestrales qu'exprime Goya avec cette figuration de l'inexorable Chronos, le texte est très beauRépondreIl y a peu de vrais créateurs... Peu de découvreurs ou d'inventeurs... Il y a quelques vrais créateurs, et puis tous les autres qui les singent...
Un vrai créateur est libre. Il a le courage d'être lui-même pour aller sur les nouveaux chemins de la Connaissance. Il explore un monde nouveau. il fait fi des censeurs, il trace son chemin, solitaire, il dit ce qu'il a à dire avec son regard qui est unique. Et tant pis s'il choque... Contre vents et marées, il s'accomplit..."ce qui est moderne en Goya, c'est la liberté de son art"... Oui, j'ai toujours ressenti cela... Liberté dans la facture, liberté dans l'expression...
Quelle belle analyse... C'est tout à fait ça. C'est l'équivalent du cri de Munch. Cette peur inconsciente de l'être humain, si petit, si fragile, sans défense devant les ténèbres, le grand trou noir, qu'il imagine comme un monstre prêt à le dévorer. C'est d'ailleurs le propre des grandes oeuvres d'art de traverser le temps et d'être toujours actuelles...On ne peut plus actuel que ça... Merci belle enfant. Tu as des antennes...Ta photo fait réagir, quelle horreur même si c'est une oeuvre d'art ! Je préfère la photo de tes chats !!! BisousLe tout est de comprendre si ce tableau nous renvoie à nos propres tourments ou s'il n'exprime que les tourments du peintre, mais à mon avis le regard qu'on a sur ce tableau n'est que le miroir de ce que l'on veut cacher à tous prix !C'est un très beau livre Armide, et j'ai dû réduire les extraits bien sûr à cause des droits d'auteur et d'édition... Mais en même temps, ça leur fait une petite pub !
oui, c'est assez effrayant, mais toute la dernière période de Goya est assez effrayante... Il devait avoir des hallucinations, et de toute évidence, il était très tourmenté...
C'est rare, mais ce tableau m'a toujours fait peur... je le trouve horrible et non pas seulement par ce qu'il représente, mais le personnage est affreusement laid cela me donne la chair de poule. Aucun risque que je fasse concurrence à Malraux en exprimant cela! Bonne nuit.Un livre qui me fait bien envie. Merci de nous l'avoir présente.
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