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Ridicule (Fernando Pessoa)
"Toutes les lettres d'amour sont
ridicules.
Elles ne seraient pas des lettres d'amour si elles n'étaient pas
Ridicules.
Moi aussi en mon temps, j'ai écrit des lettres d'amour,
Comme les autres,
Ridicules.
Les lettres d'amour, si amour il y a,
Sont fatalement
Ridicules.
Mais tout bien compté,
Il y a guère que ceux qui jamais
N'ont écrit de lettres d'amour
Qui sont
Ridicules.
Ah, retrouver le temps où j'écrivais
A mon insu
Des lettres d'amour
Ridicules...
La vérité c'est qu'aujourd'hui
Ce sont mes souvenirs
De ces lettres d'amour
Qui sont
Ridicules.
(Tous les mots accentués,
Comme les sentiments accentués
Sont naturellement
Ridicules.)
Fernando Pessoa
Fernando, Fernando, es-tu moins ridicule depuis que tu n'écris plus de lettres d'amour ? Es-tu plus heureux depuis que tu n'es plus ridicule ? Tous ces mots ridiculement accentués qui te portaient haut et loin, tous ces mots perdus qui servaient à tant d'autres à la fois, (parce qu'on n'invente rien en amour)... tous ces petits galets ronds et doux lavés par l’eau vive de l’amour, silex durs et brillants taillés par l’ardeur de l’amour, flammes dansantes de l’impatience criée, Fernando, Fernando, du Noir d'abîme où tu es, qu'en est-il de ton intranquillité ?
eva 30 novembre 2013©
Tags : poésie, mots, dialogue
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Commentaires
"C'est étrange dit l'ange, c'est étrâne dit l'âne...
Cela ne veut rien dire dit l'ange en haussant les ailes ..."
Bonne nuit Thami ! :-)
Chose étrange: aujourd'hui, j'ai relu son livre de l'intranquillité!
Bonne fin de soirée et de semaine!
Bonjour Georges, comme je le disais plus bas, Pessoa avait beaucoup de talent pour la tristesse, mais sur ce coup-là il fait plutôt figure d'aigri ! L'amour c'est comme la corrida, un moment d'inattention, et c'est "l'encornada" !... Je n'ai de goût ni pour la tristesse, ni pour la défaite, ni pour l'encornada ! Par ailleurs, je ne crains ni le ridicule, ni l'amour, ni les regrets ! Merci de ta fidélité Georges, avec toutes mes amitiés
Désabusé et rejeté certainement par une demoiselle ou une dame.............les effets ne tardent pas à se montrer là!
Me fait penser à Pavese .................dans une littérature où je n'irai pas...............trop , trop mortifère.
Un billet qui me plaît par la piqûre de rappel qui m'a "obligé"...............à re-chercher quelques lignes souvenirs.
Amitiés Eva.
10schweitzer babadjianVendredi 8 Août 2014 à 17:59Sans doute que les plus ridicules sont ceux qui n'ont jamais écrit de lettres d'amour. D'où vient cette idée du ridicule? de s'être ms à nu dans quelques mots pour toucher le coeur de l'autre au plus profond.....???
Bonne soirée Eva.L'amour, c'est comme la vie, les couleurs, les saveurs... le bonheur... ça s'invente jour après jour, avec une joie toujours renouvelée... Pessoa avait beaucoup de talent pour la tristesse ! Bon dimanche Colette
Le ridicule ne tue pas... hélas ! Pessoa était un vrai bonnet de nuit ! Triste à mourir ! Frustré le pauvre Fernando !
Bonjour Eva
Je crains juste qu'à l'avenir on n'écrive plus grand chose ou bien de manière très abrégée ! Finies les belles envolées comme ces "flammes dansantes de l'impatience criée" et vous dites qu'on n'invente rien... Si, certains ont ce talent.T'inquiète pas Fernando, le ridicule ne tue plus, et l'amour c'est comme l'avenir il arrive sans prévenir, et ce n'est pas ridicule !
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je ne pourrai dire un seul mot de plus de ce que tu as écris Eva, fort clair et tellement vrai, mais Pessoa est quand même Pessoa! et Pavese reste mon intouchable grand Pavese!