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Le 11 septembre 1973 le poète et chanteur chilien Victor Jara, fils de petits agriculteurs, est assassiné à l'âge de 41 ans par la junte militaire de Pinochet, après 4 jours de torture. L'écrivain Miguel Cabezas, témoin occulaire raconte : "On amena Victor et on lui ordonna de mettre les mains sur la table. L'officier avec une hache, lui coupa les doigts de deux coups secs. Le corps de Victor s'écroula lourdement. On entendit le hurlement collectif de 6000 détenus. L'officier se précipita sur le corps de Victor en criant "Chante maintenant pour ta putain de mère" Et Jara, essaya péniblement de se lever, et levant ses mains dégoulinantes de sang, commença à chanter l'hymne de l'Unité populaire que tout le monde reprit en choeur. C'en était trop pour les militaires : on tira une rafale sur Victor puis sur ceux qui avaient chanté avec lui..."
"Manifesto" :
Je ne chante pas juste pour chanter ni pour montrer ma belle voix.
Je chante parce que la guitare a du sens, parce qu'elle a raison.
Elle a un coeur de terre et des ailes de colombes,
elle est comme l'eau bénite, qui sanctifie les gloires et les peines,
Mon chant s'est fixé à cela.
Guitare travailleuse aux odeurs de Printemps,
ce n'est pas une guitare de riches, ni de rien qui y ressemble.
Mon chant est un échaffaudage pour atteindre les étoiles.
Car le chant prend tout son sens lorsqu'il palpite dans les veines
de celui qui mourra en chantant toutes les vérités :
je ne cherche ni les flatteries fugaces, ni la renommée internationale,
mais le chant de ce morceau de monde, jusqu'au fond de la terre.
Là où tout finit, où tout commence.
Le chant qui fut courageux toujours sera un chant nouveau.
En racontant la vie des enfants des campagnes ou des ouvriers, en s'engageant contre la main mise des Etats-Unis en Amérique Latine, en faisant revivre les thèmes musicaux et les instruments de la culture populaire, Jara tentait de rallier les habitants des villes et des campagnes, du nord au sud, autour d'une identité culturelle commune et forte. En lui cassant les mains, symboles de sa musique et de son engagement pour le peuple, ils ont cru faire taire Jara... mais..."le chant courageux toujours sera un chant nouveau", et la voix du poète jamais ne se taira.
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C'est la réalité des photos qui sont sur mon coeur que je veux
Cette réalité seule elle seule et rien d'autre
Mon coeur le répète sans cesse comme une bouche d'orateur et le redit
A chaque battement
Toutes les autres images du monde sont fausses
Elles n'ont pas d'autre apparence que celle des fantômes
Le monde singulier qui m'entoure métallique végétal
Souterrain
ô vie qui aspire le soleil matinal
Cet univers singulièrement orné d'artifices
N'est-ce point quelque oeuvre de sorcellerie
Comme on pouvait l'étudier autrefois
A Tolède
Où fut l'école diabolique la plus illustre
Et moi j'ai sur moi un univers plus précis plus certain
Fait à ton image
Guillaume Apollinaire (Poèmes à Lou)
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"Sa demeure est dans la Beauté - mortelle condition ;
Et dans la Joie, dont la main esquisse à ses lèvres
Un éternel adieu ; et dans le douloureux Plaisir,
Qui se change en poison tandis que la bouche, abeille,
L'aspire : oui, au temple même de la Félicité,
La Mélancolie voilée trouve un sanctuaire souverain
Que seul sait voir celui qui peut, d'une langue vive,
Faire éclater les raisins de la Joie contre son fin palais ;
Son âme goûtera le triste pouvoir de la Déesse
Et deviendra l'un de ses trophées de nuages."
John Keats (in Les Odes traduction Alain Sued, Editions Arfuyen)
Illustration : young girl in green and red - Balthus 1939
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