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    Les poissons ont de si jolies têtes

    qu’on est obligé de les déplacer fréquemment

    à cause des ravages qu’ils font dans le cœur des méduses

    les cœurs de méduse ravagés vont s’échouer dans les ports

    sous forme de pétroliers ou de charbonniers

    Les méduses elles-mêmes ne sont jamais repêchées

    Un nouveau cœur leur pousse bien plus grand que le premier

    Bien plus grand et bien plus vert et bien plus dur

    Car les méduses ne veulent plus aimer que le centre de gravité

    de chaque chose

    dans le ciel et sur la terre

    Les requins eux ne s’ennuient pas

    Avec  de la toile à matelas

    ils fabriquent de jolis draps

    pour les noyés astucieux

    qui sont accourus vers eux

    en mâchant de la verveine

    pour se parfumer les veines

    non les requins ne s’ennuient pas

    ils ont aussi de jolies têtes

    pour ravager le cœur des méduses inquiètes.

     

     

    Raymond Queneau (L'instant fatal)

     

     

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    "Elle se souvenait, comme d'un rêve très beau, de jours plus gais sur des coteaux riants que dorait le soleil, au pied des montagnes puissantes que des gorges profondes déchiraient, ouvraient sur la tiédeur bleue de l'horizon... Il y avait là-bas de grandes forêts de pins et de chênes-lièges, silencieuses et menaçantes, et des taillis touffus d'où montait une haleine chaude dans la transparence des automnes, dans l'ivresse brutale des printemps...

     

    Il y avait des myrtes verts et des lauriers roses étoilés au bord des oueds paisibles, à travers les jardins de figuiers et les oliveraies grises... Les fougères diaphanes jetaient leur brume légère sur les coulées de sang des rochers éventrés, près des cascades de perles, et les torrents roulaient, joyeux au soleil, ou hurlaient dans l'effroi des nuits d'hiver.

     

    Petite bergère libre et rieuse, elle avait joué là, dans le bain continuel de la belle lumière vivifiante, les membres robustes, presque nus, au soleil... Puis elle songeait avec un frisson retrouvé aux épousailles magnifiques, quand on l'avait donnée à Rezki, le beau chasseur qu'elle aimait."

     

    Isabelle Eberhardt (Taalith, Pages d'Islam 1932)

    http://fr.wikisource.org/wiki/Taalith 

     


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    Pour le plaisir : la belle voix pure de Françoise Atlan, sur une chanson séfarade accompagnée de gravures et de photos de juifs Turcs dont les ancêtres ont dû fuir l'Espagne.


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  • La mort de Sardanapale, Eugène Delacroix
    (1827) Huile sur toile 3.92 x 4.96 (Musée du Louvre)


    oeuvre ainsi commentée par Charles Baudelaire : 

    "...Bien des fois, mes rêves se sont remplis des formes magnifiques qui s'agitent dans ce vaste tableau, merveilleux lui-même comme un rêve. Le Sardanapale revu, c'est la jeunesse retrouvée. A quelle distance en arrière nous rejette la contemplation de cette toile ![...] Une figure peinte donna-t-elle jamais une idée plus vaste du despote asiatique que ce Sardanapale à la barbe noire et tressée, qui meurt sur son bûcher, drapé dans ses mousselines avec une attitude de femme ? Et tout ce harem de beautés si éclatantes, qui pourrait le peindre aujourd'hui avec ce feu, avec cette fraîcheur, avec cet enthousiasme poétique ? Et tout ce luxe sardanapalesque qui scintille dans l'ameublement, dans les vêtements, dans les harnais, dans la vaisselle et la bijouterie, qui ? qui ?"

    (Extrait de "Ecrire la peinture - de Diderot à Sollers" Pascal Dethurens Edition Citadelles & Mazenod) 



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