• Erri de Luca et Aurora de Luca (photo d'Alberto Cameroni)

     

    Valore

    "J'attache de la valeur à toute forme de vie, à la neige, la fraise, la mouche,

    J'attache de la valeur au règne animal et à la république des étoiles,

    J'attache de la valeur au vin tant que dure le repas, au sourire involontaire, à la fatigue de celui qui ne s'est pas épargné,
    à 
    deux vieux qui s'aiment,

    J'attache de la valeur à ce qui demain ne vaudra plus rien et à ce qui aujourd'hui vaut encore peu de chose,

    J'attache de la valeur à toutes les blessures,

    J'attache de la valeur à économiser l'eau, à réparer une paire de souliers, à se taire à temps, à accourir à un cri, à demander la permission avant de s'asseoir, à éprouver de la gratitude sans se souvenir de quoi, 

    J'attache de la valeur à savoir où se trouve le nord dans une pièce, quel est le nom du vent en train de sécher la lessive,

    J'attache de la valeur au voyage du vagabond, à la réclusion de la moniale, à la patience du condamné quelque soit sa faute,

    J'attache de la valeur à l'usage du verbe aimer et à l'hypothèse qu'il existe un créateur,

    Bien de ces valeurs, je ne les ai pas connues."

     

    Erri de Luca (né en 1950 à Naples) 

    Oeuvre sur l'eau (Opera sull'acqua 2002, traduit de l'italien par Danièle Valin)

     

    Le poème est dit par son auteur dans la video ci-dessous :

     

      

     

    La belle photo avec sa nièce Aurora, d'Alberto Cameroni a été prise à l'occasion du spectacle "Voyager avec Aurora" en 2010... Un voyage en musique et poésie : ici

    Un écrivain et un poète, un humaniste engagé politiquement, un alpiniste chevronné... Biographie ici

     


    7 commentaires
  •  

    "J'ai marqué peu à peu l'atlas blanc de ton corps

    avec des croix de flamme.

    Ma bouche : une araignée qui traversait, furtive.

    En toi, derrière toi, craintive et assoiffée." 

     

    Pablo Neruda (Poème XIII)

    Photo Tina Kazakhishvili.

     

    Pablo, Pablo, j’ai besoin de tes mots le matin, pour me sentir belle, et marcher, et sourire…

    j’ai besoin de tes mots attachés à mes pas, de ta bouche-araignée à mes chevilles,

    j’ai besoin de ta voix « ailée comme un oiseau », de ton angoisse, sœur de la mienne,

    j’ai besoin de ton chant et de tes lèvres avides… de « tes mots de joie sur la fleur nocturne »… 

     


    10 commentaires
  • J'ai tout perdu (Giuseppe Ungaretti)

     

     

    J'ai tout perdu de l'enfance,

    Jamais plus je ne pourrai 

    Perdre mémoire à crier.

     

    L'enfance, je l'ai enfouie

    Au fond des nuits.

    A présent, lame invisible,

    Elle me coupe de tout.

     

    Giuseppe Ungaretti.

     

    Illustration : "La sieste" de Joan Miró


    16 commentaires
  • Soliloque (Giuseppe Ungaretti)

     

    Longtemps je t'ai cherchée en moi,

    Jamais je ne te trouvais,

    Puis ce qu'est vivre et le monde 

    M'ont été en toi révélés.

     

    Ce jour-là je fus heureux,

    Mais la jubilation du coeur

    Frémissant m'avertissait

    Qu'elle jamais ne m'assouvit.

     

    Ce ne fut qu'égarement bref,

    Déjà tes doigts de sommeil,

    Comble de compassion,

    Me caressent les yeux.

     

    Attentive, tu m'as donné

    Alors cet immense calme

    Envahissant après l'amour

    Qui en a connu la fureur.

     

    Le soleil refulgure en toi

    Avec l'aube resurgie.

    Pareille gaieté de la mer

    Me ramènera-t-elle à croire ?

     

    C'est le leurre aujourd'hui de chair

    Qui va dévastant mon coeur

    Usé par le délire.

     

    Giuseppe Ungaretti (1969) traduit de l'italien par Philippe Jacottet

    peinture Egon Schiele

     


    5 commentaires


    Suivre le flux RSS des articles de cette rubrique
    Suivre le flux RSS des commentaires de cette rubrique